Le Parlement européen a voté contre la résolution qui visait à exclure le gaz et le nucléaire de la taxonomie verte. Ces deux sources d'énergie bénéficieront ainsi du "label vert" permettant de mener des investissements pour leur développement jusqu'en 2030 pour le gaz et 2045 pour le nucléaire. La taxonomie verte s'inscrit dans le Pacte Vert et vise à encourager les investissements verts et à limiter le "greenwashing".
Un Parlement européen bipolarisé
328 votes contre, 278 pour et 33 abstentions, le Parlement européen a tranché, en séance plénière, mercredi 6 juin, en décidant d'inclure le gaz et le nucléaire dans la taxonomie verte. L'alliance des voix de la droite (PPE), de l'extrême-droite (ID, ECR) et du centre (Renew) a fait pencher la balance provoquant le courroux des députés des Verts, S&D et de La Gauche. Eric ANDRIEU (S&D) a dénoncé "le mépris de la droite libérale et conservatrice pour l'environnement et les générations à venir" tandis que Aurore LALUCQ (S&D) n'a évoqué qu'un seul mot : "la honte" moquant le fait que "le gaz soit désormais une énergie verte sur le continent du Green Deal". L'eurodéputée Karima DELLI (Les Verts) a elle souligné comme d'autres députés de son groupe, "la défaite majeure" que ce rejet signifiait pour la préservation de l'environnement et la lutte contre le changement climatique. Christophe GRUDLER (Renew) s'est pour sa part réjouit du résultat du vote qui intègre le nucléaire, "énergie décarbonée", dans la taxonomie permettant "d'atteindre les objectifs du Pacte Vert". La députée européenne, Irène TOLLERET (Renew), originaire de la région montpelliéraine, s'est également prononcée contre la résolution suivant la position majoritaire de son groupe parlementaire.
Ce résultat serré témoigne des divisions profondes autour des énergies à inclure dans la taxonomie verte et de l'importance capitale de cette classification dans la mise en œuvre et surtout dans l'impact qu'aura le Pacte Vert sur l'environnement. Témoignant de cette bataille rangée, les commissions parlementaires sur l'environnement, la santé publique et la sécurité alimentaire (ENVI) et sur les affaires économiques et monétaires (ECON), en amont, s'étaient opposées à l'intégration du nucléaire et du gaz dans la taxonomie, laissant se dessiner une possible adoption de la résolution en séance plénière. Il n'en a donc rien été avec ce rejet en séance plénière.
Un texte controversé, longuement débattu
La taxonomie verte est un élément clé du Pacte Vert qui doit amener à une réduction de 55% des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030 par rapport à 1990 et à la neutralité carbone du continent d'ici à 2050. L'énergie nucléaire et le gaz ont été ajoutés à la taxonomie verte suite à une proposition de la Commission européenne, fin mars 2022. Celle-ci a donc trouvé un écho au Parlement européen avec une limitation dans le temps : 2030 pour le gaz, 2045 pour le nucléaire. Ces dates marquant la fin des investissements publics et privés possibles dans le développement de ces deux sources d'énergie et non pas la fin de leur utilisation et de leur entretien. Les centrales nucléaires devront néanmoins répondre à des exigences de sécurité et de respect de l'environnement tandis que les centrales électriques traitant du gaz ne devront pas émettre plus de 270 grammes de CO2 par kilowattheure afin de bénéficier de ces précieux investissements. Quoi qu'il en soit le nucléaire et le gaz pourront donc bénéficier de la manne des financements européens liés au Pacte Vert qui représente plus de 1000 milliards d'euros.
Le Conseil de l'UE doit se prononcer sur la résolution le 11 juillet 2022, il devrait suivre la même ligne que le Parlement européen et rejeter celle-ci. En effet, la plupart des Etats membres sont favorables au maintien d'une industrie nucléaire et gazière prospère, notamment la France et les Etats d'Europe centrale et orientale dont la République tchèque, détentrice de la présidence du Conseil. La taxonomie verte devrait normalement entrer en vigueur le 1er janvier 2023. L'Autriche a néanmoins annoncé sa volonté d'attaquer l'UE en justice tant cette décision constitue "un véritable greenwashing" et "ne répond pas aux objectifs du Pacte Vert". Le Luxembourg et le Danemark devraient suivre l'ultime recours autrichien. Ces pays, qui ont fait le choix de se passer de l'énergie nucléaire pour des raisons de protection de l'environnement digèrent mal le choix d'inclure le nucléaire dans la taxonomie. En témoigne le fait que sur les 19 députés européens autrichiens, une seule, Angelika WIENZER (PPE) a fait le choix de s'opposer à la résolution.