Nouveau départ dans les relations entre l’Union européenne et le Royaume-Uni cinq ans après le Brexit

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L’Union européenne et le Royaume-Uni ont ouvert, lundi 19 mai à Londres, un nouveau chapitre dans leurs relations après des années de tensions post Brexit.

Lors d’un sommet bilatéral, le Premier ministre britannique, Keir Starmer, a accueilli la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, la Haute représentante de l’Union européenne, Kaja Kallas, et le Président du Conseil européen, António Costa, afin de concrétiser un « reset » des relations entre son pays et l’UE, sur lequel le leader travailliste œuvre depuis son arrivée au 10 Downing Street, en juillet 2024. Ce « reset » s’était traduit par des contacts plus fluides avec l’administration britannique sur la gestion des accords du Brexit ou sur les dossiers géopolitiques du moment.

Britanniques et Européens ont officialisé un accord sur trois textes pour relancer leur collaboration :

  • une déclaration commune identifiant les enjeux globaux communs, entre guerre en Ukraine, situation à Gaza et remise en cause de l’ordre multilatéral ;
  • un Partenariat sur la sécurité et la défense, qui permettra, en principe, au Royaume-Uni de rejoindre des programmes de coopération européens comme SAFE  ;
  • une « Convention d’entente sur un programme renouvelé de coopération » énonçant les accords actés sur la pêche, l’énergie, la mobilité des jeunes ou l’engagement renouvelé de lutter contre l’immigration illégale.

Si le Sommet officiel n'a duré que deux heures trente lundi, il aura fallu des semaines de négociations difficiles pour valider les derniers arbitrages, jusqu’à la dernière minute - une procédure écrite de validation par les États membres ayant été lancée le 19 mai au matin.

Que prévoient concrètement ces nouveaux accords, dont certains devront être formalisés dans les prochains jours, voire encore négociés dans les détails ?


Levée des contrôles sanitaires en échange d’un accès aux eaux britanniques pour les pêcheurs de l’UE

Le sujet de la pêche a été l’un des plus controversés alors que le Brexit avait fait la promesse aux pêcheurs britanniques de leur réserver exclusivement les eaux poissonneuses britanniques. L’accord provisoire conclu fin décembre 2020 prévoyait un accès réduit aux pêcheurs européens jusqu’en 2026, avec une obligation de renégociation en 2025, puis chaque année.

Les deux parties ont convenu de prolonger de douze ans, jusqu’au 30 juin 2038, l’accès des flottes de l’UE aux eaux britanniques. Il s’agit d’une concession significative du Royaume-Uni qui avait, un temps, proposé un prolongement de quatre ans uniquement.  Une proposition jugée insuffisante par les pays de l'UE concernés. Cet accord devra être confirmé dans un document formel d’ici un mois.

En échange, les Britanniques ont obtenu la possibilité de réduire, voire d’exempter de contrôles sanitaires et phytosanitaires (SPS) les produits agroalimentaires exportés vers l’UE. Un nouvel accord sera négocié pour réduire drastiquement ces contrôles pour les produits importés d’Irlande du Nord et de Grande-Bretagne. Cela implique un alignement « dynamique » du droit britannique sur les règles et normes européennes en matière de SPS.

À cet égard, l’accord sera soumis à un « mécanisme de règlement des différends avec un jury d’arbitrage indépendant qui garantit que la Cour de justice de l’Union européenne est l’autorité ultime pour toutes les questions relatives au droit de l’Union européenne”.

Afin de laisser la liberté au Royaume-Uni de prendre des mesures pour protéger sa biosécurité et sa santé publique, « l'accord SPS devrait inclure une liste restreinte d'exceptions », selon le texte de la convention d’entente. Il s'agit, par exemple, d'accepter des règles britanniques différentes, dans la mesure où elles sont plus ambitieuses que celles de l'Union en matière de protection animale et environnementale.


Des avancées sur la défense

Le nouveau Partenariat pour la sécurité et la défense ouvrira la possibilité pour Londres de rejoindre davantage de projets de coopération militaire européens, tout en consacrant une nouvelle coopération tant sur les menaces cyber, sur la manipulation de l’information, que sur la sécurité maritime. Le Partenariat prévoit aussi une coopération en termes de consolidation de la paix ou de gestion des crises. Les entreprises britanniques du secteur de la défense devraient également être éligibles aux marchés publics européens.

Toutefois, d’autres négociations seront nécessaires pour déterminer les entités britanniques éligibles et arrêter la contribution du budget britannique au programme de réarmement SAFE de l’UE, comprenant des prêts à hauteur de 150 milliards d’euros.

Formellement, le Partenariat prévoit aussi qu’un dialogue de sécurité se tienne chaque semestre entre les deux parties, au niveau des ministres et représentants de la sécurité et de la défense.


Vers un retour de Londres dans le programme Erasmus+ ?

La réintégration du Royaume-Uni dans le programme d’échange d’étudiants Erasmus +, avec la pêche, est l’une des principales requêtes de l’UE. La convention d’entente délaisse la proposition européenne de relancer la liberté de circulation des jeunes entre 18 et 30 ans des deux côtés de la Manche. Une discussion va cependant démarrer sur l’adhésion du Royaume-Uni à Erasmus+. Les deux parties devront encore acter le champ de la participation et la contribution britannique. La question du niveau de frais d’entrée des écoles britanniques, bien plus élevés que dans l’UE, reste par ailleurs encore à régler, ce qui annonce des discussions délicates.

Keir Starmer a d'ailleurs précisé que tout projet de mobilité des jeunes serait « assorti de tous les délais, plafonds et exigences en matière de visas appropriés », l'opposition britannique s'étant en effet inquiétée d'un retour à la libre circulation.

Les deux parties entameront également un dialogue sur la mobilité professionnelle, une demande des entreprises de part et d’autre de la Manche.


Une association possible du Royaume-Uni au marché européen de l’énergie

Concernant l’énergie, l’extension du chapitre contenu dans le TCA permettra de négocier un accord pour associer le Royaume-Uni au marché européen de l’énergie avec des prix moins élevés et des flux plus rapides.

Cette nouvelle coopération apportera aussi de la prévisibilité et devrait donc attirer des investissements privés, par exemple dans les énergies renouvelables en mer du Nord.

Concernant le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM), Londres et Bruxelles devraient terminer d’ici la fin de l’année la reconnexion de leurs marchés d’échange de quotas d’émission respectifs (EU ETS et UK ETS). Une manœuvre qui éviterait aux Britanniques de payer dès 2026 près de 950 millions d’euros au titre du CBAM.


Coopération pour lutter contre l'immigration illégale et assurer la sécurité intérieure

La Convention commune établit enfin l’engagement à coopérer davantage contre l’immigration irrégulière, avec de nouvelles actions contre les passeurs ou une meilleure coordination sur la question des retours.

Les agences respectives d’application de la loi coopéreront davantage, pourront échanger plus d’informations, mais aucun accord concret n’est encore envisagé à ce stade dans ce domaine.

Cette coopération portera encore sur la lutte contre le trafic de stupéfiants, la grande criminalité organisée transnationale, ainsi que contre le terrorisme et l'extrémisme violent, y compris en ligne.

Les Britanniques ont également obtenu que leurs ressortissants puissent passer rapidement les contrôles lorsqu'ils se rendent dans l'UE grâce aux e-gate, les guichets électroniques. Il faut pour cela attendre l’entrée en vigueur du système Entrée/Sortie de l'UE – qui a fait l’objet d’un accord provisoire entre le Parlement européen et le Conseil le 19 mai dernier.


Un accueil mitigé outre-Manche

L’accueil de ces accords a été très mitigé outre-Manche. Les critiques n’ont pas tardé à se faire entendre, notamment dans le secteur de la pêche. L’opinion publique reste tiraillée entre soutien et rejet du Brexit.

La Fédération nationale des organisations de pêcheurs (National Federation of Fishermen’s Organisations) s’est dit « très déçue », affirmant que cet accord « sacrifie la meilleure perspective de croissance qu’auraient pu avoir l’industrie de la pêche et les communautés côtières pour la décennie à venir ».

Downing Street souligne toutefois que l’industrie britannique bénéficiera largement de l’accord, qui permettra notamment à certains produits alimentaires - y compris les coquillages - d’être exportés vers l’UE pour la première fois depuis le Brexit.

Selon un sondage Yougov, publié en janvier, plus de 55 % des Britanniques estiment que quitter l’UE était une mauvaise idée et 62 % d’entre eux pensent que le Brexit est un « échec ». Mais, en même temps, Reform UK, le parti pro-Brexit de Nigel Farage, progresse dans les sondages et a réalisé une percée aux élections locales le 1er mai, passant devant les Conservateurs et Travaillistes.


Plus d'informations :

Vers les documents de l’accord

 

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