Les villes européennes sont des moteurs essentiels de compétitivité et d’innovation, représentant 85 % du PIB de l’UE et jouant un rôle clé dans la transition juste vers la décarbonation, l’inclusion sociale et la digitalisation. Elles assurent plus de la moitié des investissements publics, notamment dans le logement abordable, les transports, la santé et l’éducation, et deux tiers des dépenses liées au climat ont lieu au niveau local. Malgré cela, les villes font face à des défis croissants comme la hausse des coûts du logement, les besoins en mobilité et les effets du changement climatique, qui décuplent les actions et investissements nécessaires.
En 2023, les dépenses d’investissement des collectivités locales et régionales de l’UE ont fortement augmenté, contribuant à environ 66 % de la hausse de l’investissement public total enregistrée dans l’Union. Cette accélération reflète un double phénomène : d’une part le rattrapage d’un déficit d’investissement accumulé sur la dernière décennie, et d’autre part la montée de besoins d’investissement nouveaux faisant suite à la pandémie, liés notamment à la protection du climat, aux équipements sociaux et aux transports.
C’est dans ce contexte qu’intervient la nouvelle édition de l’Enquête BEI auprès des municipalités 2024-2025 (EIB Municipalities Survey). Cette enquête périodique vise à évaluer l’état de l’investissement local en Europe, en recueillant l’avis direct des responsables municipaux sur leurs activités d’investissement, leurs besoins et les obstacles qu’ils rencontrent.
Priorités : climat et infrastructures sociales
Les municipalités européennes alignent leurs priorités d'investissement sur les objectifs du Pacte vert pour l'Europe et de la transition numérique. Outre les investissements dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre et les infrastructures sociales, les municipalités mettent également l'accent sur la transition numérique comme opportunité face à ces défis. Les grandes villes et les régions développées sont en tête, avec près de 70 % des municipalités investissant simultanément dans les transitions verte et numérique, contre un peu plus de 40 % dans les régions moins développées.
Si des progrès notables sont enregistrés dans l’efficacité énergétique, les projets d’adaptation au changement climatique peinent davantage à trouver des financements adaptés.
Sur le plan social, l’enquête souligne que l’investissement dans le logement abordable est non seulement essentiel pour améliorer les conditions de vie, mais aussi pour soutenir l’emploi local, notamment pour les jeunes, les femmes et les personnes peu qualifiées. Le manque de logements accessibles est perçu comme un frein majeur à l’emploi, en particulier dans les zones urbaines.
Cette dynamique reflète une volonté des municipalités de mener de front les transformations écologique et numérique, tout en répondant aux besoins sociaux pressants, notamment en matière de logement, de santé et d'éducation. Plus de la moitié des municipalités européennes prévoient d’augmenter leurs investissements dans les domaines du climat et du social au cours des trois prochaines années.
Défis persistants : financement et capacités techniques
Malgré ces ambitions, les municipalités européennes font face à des obstacles majeurs. Près de deux tiers des municipalités affirment peiner à financer leurs projets, et près de la moitié voient dans la lenteur des processus réglementaires un obstacle majeur à l’investissement. Les régions moins développées sont particulièrement touchées, avec une dépendance accrue aux subventions nationales et européennes. L’intérêt pour les nouveaux instruments financiers de l’UE (prêts et garanties) est par ailleurs en forte hausse : environ 60 % des communes prévoient de les utiliser, alors qu’elles n’étaient que 40 % à le faire il y a deux ans. En revanche, le financement par le marché (émissions obligataires, partenariats public-privé, etc.) ne concerne qu’une commune sur trois, essentiellement les plus grandes agglomérations disposant d’une solidité financière et d’une capacité d’emprunt suffisante. Ces chiffres illustrent à la fois l’importance des fonds européens pour les collectivités – notamment dans les pays d’Europe centrale et orientale où près de 90 % des municipalités comptent sur ces instruments européens – et la difficulté qu’a une bonne partie des communes à financer autrement leurs investissements.
En outre, le manque de personnel qualifié dans des domaines spécialisés, tels que l'évaluation environnementale et l'ingénierie technique, entrave la mise en œuvre efficace des projets. Ce déficit de compétences est plus prononcé dans les petites communes, qui disposent de ressources limitées pour recruter ou former des experts.
Plus d'informations :
Rapport de la BEI : L'état des investissements dans les infrastructures locales dans les villes en Europe 2024-2025