Depuis le déclenchement de la pandémie du Covid-19, les compagnies aériennes souffrent d’une baisse drastique de leurs activités qui pousse les différents gouvernements européens à adopter pour elles des plans de sauvetage.
Au total, les compagnies aériennes européennes devraient percevoir un soutien financier de plus 26 milliards € de la part de leur gouvernement (cf. ici le suivi effectué par les ONG environnementales Greenpeace, Transport & Environment (T&E) et Carbon Market Watch). Ces aides sont accordées par les États-membres grâce à un assouplissement temporaire du régime européen des aides d’État.
Faut-il sauver le secteur de l'aviation à tout prix ?
L’octroi de ces enveloppes d’un montant vertigineux suscite cependant de vives polémiques sur la scène européenne, où des voix s’élèvent pour promouvoir une relance verte post-Covid 19 et le renforcement du Pacte vert (voir ici).
Certes, l’intention des États est de prévenir la faillite de leur secteur aérien et les conséquences socio-économiques qui s’ensuivraient, mais pour certains, ce soutien devrait être assorti de conditions environnementales.
La Commission européenne peine elle-même à s'unir sur cette question des sauvetages financiers. La Commissaire aux Transports (Adina Vălean) continue en effet de faire figure de dissidente au sein de l’institution en réfutant, contrairement à ses collègues, l’inclusion de conditions environnementales aux plans de renflouement nationaux.
Pour l’heure, la Commission européenne ne peut de toute façon que fournir des lignes directrices visant à réduire les émissions sur les vols intérieurs et à acheter des avions plus économes en carburant lorsqu’elle autorise les régimes d’aides d'État qui lui sont notifiés. Ces orientations n’ont cependant pas de valeur contraignante et laissent ainsi la décision de conditionner ou non ces aides à des critères environnementaux à la discrétion des gouvernements pourvoyeurs de l’aide.
L'État français conditionne son plan de soutien à Air France à un plan de relance vert
Alors que ses homologues européens n’avaient pas pris de telles initiatives, le gouvernement français s’est récemment distingué en accordant un soutien de 7 milliards € à Air France en échange d’un plan de réduction de ses émissions de carbone par la compagnie. L’État français est lui-même actionnaire du groupe Air France-KLM à hauteur de 14,3%.
Cette aide consiste en un prêt garanti à 90 % de 4 milliards € et en des prêts directs de 3 milliards €. Elle a été présentée par le Ministre de l’économie B. Le Maire comme un « soutien historique » qui permettra de sauver 350 000 emplois mais qui ne constitue en rien un« chèque en blanc ».
En échange de ces liquidités, la compagnie est en effet appelée à présenter et à mettre en oeuvre un plan d’action pour réduire de 50% son volume d'émissions de CO2 sur ses vols métropolitains d'ici à la fin 2024. « Dès lors qu'il y a une alternative ferroviaire à des vols intérieurs avec une durée de moins de 2h30, ces vols intérieurs devront être drastiquement réduits, et, pour tout dire, limités simplement aux transferts vers un hub », a déclaré B. Le Maire.
Par la voix de sa vice-présidence exécutive Margrethe Vestager, la Commission européenne a soutenu cette initiative : « J’apprécie et applaudis la décision française vis-à-vis d’Air France » a-t-elle affirmé. L’ONG Greenpeace s’est elle montrée plus réservée : « nous voulons savoir exactement comment Air France fera sa transition verte alors qu'il n'y a absolument aucune contrainte, aucune sanction, et aucune ambition mentionnée ».
Force est toutefois de reconnaître que la France fait pour l’instant figure de modèle en matière de conditionnalité des aides d’État. Elle pourrait bientôt être suivie de l’Autriche dont le gouvernement est pour moitié dirigé par le parti écologiste. Par ailleurs, le gouvernement néerlandais, également actionnaire du groupe KLM, envisage lui aussi d’apporter une aide de 2 à 4 milliards € à la compagnie, sans toutefois parvenir à se positionner encore sur cette question d’une conditionnalité environnementale.
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Le secteur aérien connaît une croissance exponentielle de ses activités depuis les années 2000 qui s’est accompagnée d’une hausse continue du volume d’émissions de carbone engendrées. Selon les prévisions de l’organisation de l'aviation civile internationale (OACI), cette tendance est loin de s’inverser puisque qu’en 2020, les émissions annuelles mondiales de l'aviation internationale sont déjà supérieures d'environ 70 % à celles de 2005. En outre, en l'absence de mesures supplémentaires d'ici 2050, ces émissions pourraient encore augmenter de plus de 300 %, ce qui en fait l'un des secteurs les plus pressés à décarboner son industrie.