Après de nombreuses tractations autour du renouvellement de l’autorisation du glyphosate au cours des deux dernières années, le Conseil a finalement adopté le 27 novembre le renouvellement de cet herbicide en Europe pour les 5 ans à venir. Cette adoption fait suite au retournement surprise de l’Allemagne.
Les ministres des États Membres ont ainsi décidé de ne pas suivre la position du Parlement européen qui avait adopté avec une large majorité une proposition d’interdiction totale à l’horizon 2022. Le renouvellement de l’autorisation a été accepté par 18 pays (Allemagne, Bulgarie, Danemark, Espagne, Estonie, Hongrie, Irlande, Lettonie, Lituanie, Pays-Bas, Pologne, République Tchèque, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Suède, Royaume-Uni) représentant 65,71% de la population. Il s’agit donc d’une majorité assez courte, puisqu’un minimum de 65% de la population européenne doit être atteint pour que la position soit adoptée.
Parmi les neufs États ayant voté contre le renouvellement pour 5 ans de l’autorisation du glyphosate (Autriche, Belgique, Croatie, Chypre, France, Grèce, Italie, Luxembourg, Malte), certains ne souhaitaient pas de renouvellement pour plus de trois ans.
Pourquoi la situation a-t-elle basculé de manière si inattendue ?
Deux pays ont modifié leur position par rapport au dernier vote (au cours duquel la majorité qualifiée n’avait pas pu être atteinte) : l’Allemagne et la Pologne. C’est toutefois le changement de l’Allemagne (qui s’était abstenue jusque-là) qui a permis d’atteindre le seuil nécessaire en termes de représentation de la population européenne.
Ce revirement serait dû à une décision unilatérale du ministre de l’agriculture allemand, Chritian Schmidt (CSU), contre l’avis de la ministre de l’environnement, Barbara Heindricks (SPD), et sans attendre l’arbitrage de la Chancelière.
Quelles ont été les réactions ?
Les milieux agricoles, et notamment la FNSEA, se sont félicités de cette décision, tandis que les ONG environnementales se sont indignées du non-respect de l’opinion publique. En effet, un sondage mené dans plusieurs pays européens début novembre avait estimé que 80% des citoyens souhaitaient une interdiction de cet herbicide. Une initiative citoyenne européenne intitulée ‘Interdire le glyphosate et protéger la population et l’environnement contre les pesticides toxiques’ avait d’ailleurs rassemblé 1,3 millions de signatures au cours des derniers mois.
Le Président Macron a réagi sur Twitter quelques heures après l’adoption de l’autorisation sur cinq ans et envisage d’interdire le glyphosate à l’échelle nationale. « J’ai demandé au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l’utilisation du glyphosate soit interdite en France, dès que des alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans trois ans » a-t-il écrit.
Il a également indiqué à l’AFP son souhait que la Commission européenne fasse des propositions au sujet de la réforme du cadre européen d’évaluation des substances chimiques, appelant à plus de transparence et d’indépendance.
Rappel du contexte :
Les inquiétudes liées au glyphosate remontent à 2015 lorsque le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC), l’organe spécialisé des Nations Unies, a classifié cet herbicide comme « cancérigène probable ». Pourtant, quelques mois plus tard, l’agence européenne chargée de l’évolution des pesticides a soutenu la position inverse. Cette disparité a été renforcée par les révélations liées aux Monsanto Papers, des documents rendus publiques dans le cadre de procédures judiciaires aux USA.
En France, le glyphosate est interdit dans les espaces publics depuis le 1er janvier 2017 et il sera totalement interdit aux particuliers à partir du 1er janvier 2019.