La Commission européenne a infligé, mercredi 23 avril, deux amendes aux géants américains de la tech, Apple et Meta, à hauteur respectivement de 500 et 200 millions d’euros, pour infraction au Règlement sur les marchés numériques (DMA).
Ces sanctions sont les premières prononcées dans le cadre du Règlement, adopté en 2022 et entré en vigueur en 2024, qui encadre les activités des géants du numérique sur le marché européen. Elles interviennent au terme de plus d’un an d’enquêtes de non-conformité, ouvertes en mars 2024, alors que la Commission tente d’éviter une guerre commerciale avec les États-Unis dans un contexte géopolitique tendu.
Les sanctions en détails
Au total, la Commission a adopté cinq décisions dont trois d’entre elles visant Apple.
Le géant américain a été sanctionné d’une amende de 500 millions d’euros pour des restrictions dans son magasin d’applications App Store. Selon la Commission, la marque à la pomme entrave la capacité des développeurs d'applications de promouvoir gratuitement sur sa plateforme d'autres offres et d'orienter leurs clients vers ces offres en dehors de l’App Store. Les consommateurs ne peuvent ainsi pas bénéficier pleinement d'offres alternatives et moins chères. Malgré quelques adaptations mineures, Apple n'a pas démontré que ces restrictions sont objectivement nécessaires et proportionnées.
Par ailleurs, la Commission considère que les conditions contractuelles d’Apple relatives à la distribution d'applications alternatives enfreignent le Règlement DMA. D’après elle, les développeurs qui souhaitent utiliser d'autres canaux de distribution d'applications sur iOS sont dissuadés de le faire. En effet, cette pratique les oblige à opter pour des conditions commerciales qui incluent une redevance de 0,50 euro par application installée après le million de téléchargements. En outre, Apple rend l'installation d'applications provenant de canaux alternatifs excessivement contraignante.
Enfin, à la suite d'un dialogue qu'elle qualifie de « constructif » avec Apple, la Commission a annoncé la clôture de l'enquête portant sur la liberté de choix des utilisateurs d'Apple. Ceux-ci ont désormais la possibilité de désinstaller facilement des applications préinstallées comme Safari, de modifier les paramètres par défaut d'applications gérant les appels téléphoniques, la messagerie ou la traduction sur les iPhones et de choisir leur navigateur Internet par défaut.
Concernant Meta, la maison mère de Facebook, de WhatsApp et d'Instagram, l'amende de 200 millions d'euros infligée concerne le système « pay or consent » (payer ou consentir). Ce modèle publicitaire contraint les utilisateurs à consentir au traitement de leurs données personnelles à des fins de publicité ciblée, à moins qu’ils ne paient un abonnement.
D'après la Commission, ce modèle n'offre pas véritablement aux consommateurs la possibilité de bénéficier d'un service équivalent qui utilise moins leurs données personnelles. Et « moins de 1 % des utilisateurs » ont effectivement décidé de payer pour éviter la publicité ciblée.
Par ailleurs, la Commission a annulé une décision qui désignait Facebook Marketplace comme un contrôleur d’accès, ce qui signifie que cette partie de l'activité de Meta ne relève plus de la compétence du DMA. Elle a notamment constaté que Facebook Marketplace comptait moins de 10 000 utilisateurs professionnels en 2024, un chiffre inférieur au seuil réglementaire pertinent.
La Commission européenne doit encore analyser une nouvelle option gratuite, proposée par Meta depuis novembre 2024, qui prélève moins de données personnelles des utilisateurs. Cette nouvelle option réduit la durée de l'infraction constatée au règlement DMA et donc le montant de l'amende infligée.
Les amendes restent néanmoins relativement modestes, alors même que le DMA prévoit la possibilité d’octroyer des amendes pouvant aller jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires annuel mondial d’une plateforme numérique. Selon un fonctionnaire européen, « la durée de l’infraction, sa gravité et son caractère récurrent » ont été pris en compte. Le DMA étant entré récemment en vigueur (mars 2024), le critère de durée n’a pas été appliqué.
Délai de conformité de 60 jours
Apple et Meta disposent désormais d'un délai de 60 jours pour poursuivre les discussions avec la Commission et se conformer aux règles de l'UE. D'ici là, les deux entreprises devront payer l'amende ou bloquer la somme sur des comptes séparés. Elles peuvent également contester la décision auprès du Tribunal de l'UE.
Passé ce délai, en cas de refus de mise en conformité, l'institution de l'UE pourrait décider de leur infliger une astreinte pouvant aller jusqu'à 5 % de son chiffre d'affaires journalier mondial sur l'exercice précédent.
Réagissant aux décisions de la Commission, Apple s’est dit « injustement ciblée » et a annoncé que le groupe ferait appel. De son côté, Meta estime que l'UE pénalise les entreprises américaines tout en permettant à leurs concurrentes chinoises et européennes d'opérer sur la base de règles différentes. L’entreprise a critiqué la volonté de l'Europe de l'obliger à modifier son modèle commercial, la comparant à l'imposition d'un tarif douanier de plusieurs milliards de dollars.