Au cours du mois de novembre, un accord a été trouvé sur le Brexit, définissant la période de transition avant la séparation définitive de l'UE et du Royaume-Uni. Cet accord de 585 pages, ainsi que trois protocoles concernant l'Irlande, Gibraltar et Chypre et une déclaration politique de 26 pages sur la relation future entre les deux parties ont été signés par les Etats membres lors d'un sommet exceptionnel du Conseil le 25 novembre. Malgré tout, l'issu de cet accord reste encore incertaine, puisqu'il est suspendu au vote des députés britanniques de la Chambre des communes attendu pour le 11 décembre.
Un accord après 20 mois de négociations
Le 23 juin 2016, le vote en faveur du Brexit avait remporté 52% des suffrages. L'article 50 du traité de l'Union européenne relatif à la procédure de retrait a été activé le 29 mars 2017.
La position du Royaume-Uni a toujours été incertaine vis-à-vis du Brexit. Premièrement, ce vote avait été grandement décrié dans le pays, beaucoup de britanniques renient la décision prise par leurs concitoyens. Deuxièmement, le principal des négociations s'est déroulé entre britanniques, puisque la majorité conservatrice n'a jamais véritablement su quel Brexit elle souhaitait mettre en œuvre.
En parallèle, la position de l'UE était quant à elle fixée dès le lendemain du référendum, en établissant sa volonté au sujet des conditions d'accès du Royaume-Uni au marché unique, de la sauvegarde des droits des citoyens européens vivant en Grande-Bretagne et inversement et de la nécessité d'absence de frontières physiques entre les deux Irlandes.
L'article 50 prévoit une période de négociations de deux ans entre les deux parties pour régler leurs différends. Ainsi, le Royaume-Uni ne fera plus partie de l'UE à compter du 29 mars 2019. Les députés britanniques quitteront l'hémicycle dès le lendemain, ainsi que tous leurs représentants dans les diverses agences européennes. Le pays perdra également tous ses pouvoirs décisionnels auprès des institutions européennes.
Pour autant, une période de transition est nécessaire pour se préparer au retrait définitif du Royaume-Uni. A cet effet, une période de transition de deux ans est prévue. L'accord signé le 25 novembre établit le cadre dans lequel la transition va opérer.
Ce que prévoit la période de transition
Pendant la période de transition, les effets juridiques entre le Royaume-Uni et toute l'UE continueront à s'appliquer comme aujourd'hui. Les parties concernées peuvent invoquer l'accord de retrait directement devant les tribunaux nationaux en cas de litige.
Concrètement, l'accord prévoit que :
- Les 3 millions de citoyens de l'UE vivant au Royaume-Uni et le million de ressortissants britanniques vivant dans les pays de l'UE disposeront des mêmes droits qu'aujourd'hui.
- Un système d'enregistrement des ressortissants pourra être mis en place au choix des Etats membres. Ainsi, une demande obligatoire de résidence pourra être exigée par l'Etat comme condition à la jouissance des droits cités précédemment. Le Royaume-Uni a déjà exprimé son intention d'appliquer ce système.
- La continuité commerciale sera assurée. Les actions issues avant la date butoir seront toujours valides, même si elles prennent effet après cette date.
- Le Royaume-Uni devra honorer sa part de financement à toutes les obligations contractées quand le pays était membre de l'UE, à savoir le budget de l'UE jusqu'à la fin de la période budgétaire en 2020, sa contribution à la Banque européenne d'investissement (BEI), à la Banque centrale européenne (BCE), aux fonds fiduciaires de l'UE, au Fonds européen de développement et aux infrastructures pour les réfugiés en Turquie.
Ainsi, le Royaume-Uni restera pendant deux ans dépendant des actions de l'UE au travers de l'adoption du budget communautaire, des accords internationaux et de la politique commerciale engagée entre l'UE et des pays tiers. Le Royaume-Uni perdra tous ses pouvoirs décisionnels au niveau européen et ne pourra donc contester les choix opérés par l'UE.
L'issue de la transition reste toujours à déterminer
La période de transition a pour but principal de permettre aux administrations nationales et aux entreprises de prendre le temps de préparer les futures relations qu'elles entretiendront avec l'autre partie. Elle prendra fin le 31 décembre 2020.
- Des tensions au sujet de la frontière irlandaise
A partir du 30 mars 2019, Londres et Bruxelles devront négocier pour trouver une solution au sujet de la frontière irlandaise. L'option qui a été choisie jusqu'à maintenant en cas de non accord au 1er juillet 2020 est l'option du "filet de sécurité". Ce dispositif permettra d'éviter la mise en place d'une frontière dure entre les deux Irlandes. Au cours des négociations, le Royaume-Uni avait catégoriquement refusé que l'Irlande du Nord reste dans le marché intérieur, ce qui suppose que des contrôles soient mis en place entre l'Irlande du Nord et le reste du pays. La raison de l'adoption de cette solution est de s'assurer que l'Irlande du Nord ne devienne pas une porte d'entrée au marché unique pour le Royaume-Uni.
Ce point est grandement décrié au Royaume-Uni. L'accord pourrait être en péril à cause de cette solution de secours, puisque de nombreux députés britanniques y sont opposés.
Une autre possibilité est envisagée pour éviter cette solution, la prolongation de la période de transition, qu'il sera possible d'invoquer une seule fois avant le 1er juillet 2020. Cela signifie que le Royaume-Uni devra participer au budget communautaire pour le prochain cadre financier pluriannuel (2021-2027).
- Les enjeux de l'accord commercial
La future relation entre les deux parties reste encore à définir. Un accord commercial devra être signé, tout comme d'autres accords dans des domaines importants pour le Royaume-Uni et l'UE tels que le transport, la recherche, l'énergie, le climat, l’éducation, la défense, le nucléaire, la coopération policière et douanière, l'accès à Galileo (le GPS européen) etc.
Le véritable problème que pose la solution souhaitée par le Royaume-Uni (avoir une relation avec l'UE similaire à celle de la Suisse) est que le pays devra inévitablement se plier aux normes européennes pour exporter ses services, ses marchandises et ses capitaux sur le territoire européen, ainsi qu'à la libre circulation des personnes. Ces points sont rejetés catégoriquement par la majorité conservatrice britannique, alors qu'ils sont essentiels à la mise en œuvre d'une telle solution. Si ce n'est pas le cas, l'UE prendrait le risque que son voisin britannique profite d'une concurrence déloyale à cause de normes moins protectrices.
- Deux protocoles à ne pas oublier
Pour Chypre, le véritable enjeu se situe sur les zones de souveraineté que le pays partage avec le Royaume-Uni. Ce protocole permettra d'assurer le droit des chypriotes travaillant dans ces zones.
En ce qui concerne Gibraltar, un accord bilatéral doit être trouvé entre l'Espagne et le Royaume-Uni en matière de droits des citoyens, de tabac et autres produits, d'environnement, de police et de douanes, ainsi qu'en matière fiscale et de protection des intérêts financiers. L'Espagne pourrait bloquer l'accord sur le Brexit au travers de ce protocole.
Un divorce douloureux pour tous
Même si les européens ne seront probablement pas les plus grands perdants de l'accord, le Brexit ne bénéficiera finalement à personne.
Au cours des négociations, l'UE a réussi à garder son cap et à éviter que toutes les relations avec le Royaume-Uni ne soient coupées. Le Conseil européen souhaite que le partenariat avec le Royaume-Uni soit aussi étroit que possible. Du côté britannique, l'accord représente une grande défaite pour les hard Brexiters, puisque le divorce est moins franc qu'ils ne l'auraient voulu. Il limite cependant une fracture trop importante avec le partenaire commercial numéro 1 du Royaume-Uni, ce qui est en accord avec la volonté des Brexiters plus modérés.
Beaucoup d'éléments restent encore à éclaircir, d'autant plus si les députés britanniques refusent l'accord proposé mi-décembre. On peut légitimement se demander si l'accord n'apporte pas plus de questions qu'il ne répond véritablement aux problématiques relatives au devenir de la relation UE/Royaume-Uni.
Plus d'informations
Fiche d'informations de la Commission