Le 1er février dernier, la Commission européenne dévoilait son projet de Plan industriel du Pacte vert, un programme de soutien au développement d’une industrie verte en Europe. Initialement demandé par les chefs d’État et de gouvernement des États membres, ce plan se veut être un moyen de protéger la compétitivité européenne, notamment en réponse à l’Inflation Reduction Act (IRA) américain, un programme de soutien à l’économie américaine promulgué le 16 août 2022.
L’Inflation Reduction Act, une menace pour l’industrie européenne ?
L’IRA attise en effet les inquiétudes chez les États membres de l’UE qui voient dans ce plan de 360 milliards de dollars, ciblé sur les véhicules électriques et les batteries produits dans des usines américaines, un dopant pour l’économie américaine qui jouerait en défaveur de l’industrie européenne.
Les États membres craignent principalement que ce plan ne conduise les industriels à migrer vers les États-Unis, une migration qui pourrait de plus être motivée par les prix de l’énergie en Europe.
Ainsi alertée par les États membres, et par la France en première ligne, des risques de distorsions de marché que pourrait provoquer l’IRA, la Commission a réagi en proposant un Pacte vert industriel, qui répond par la même occasion aux distorsions engendrées par des subventions chinoises deux fois plus élevées que les subventions européennes.
Salué par les États membres, le Pacte vert industriel doit encore faire l’objet d’arbitrages avant d’être décliné en propositions législatives concrètes. Sont ainsi attendues pour mi-mars, en amont du Conseil européen (rencontre des Chefs d’États et de gouvernements des pays membres de l’UE) des 23 et 24 mars 2023, une réforme du marché de l’électricité et des matières premières critiques ou encore une proposition réglementaire pour une industrie zéro émission (Net-Zero Industry Act).
Le Parlement européen s’est également prononcé sur ce projet dans une résolution adoptée le 16 février 2023. S’inquiétant des effets de l’IRA américain, les députés appellent notamment la Commission à adopter une position plus ferme contre la concurrence déloyale provoquée par des aides d’État injustifiées. Le Parlement rappelle que l’objectif global de l’UE doit être de garantir le leadership européen dans les technologies et l’innovation liées à l’énergie propre, en accord avec les objectifs du Pacte vert.
Un Pacte d'abord financé au niveau national
Si la Commission européenne évoque la création d’un nouvel instrument financier, le « Fonds de souveraineté européen », elle ne détaille pour le moment ni son montant ou son financement, et ne se penchera pas sur sa mise en œuvre avant cet été.
Dans ce laps de temps, le Pacte vert industriel reposera donc d’abord sur les enveloppes et instruments existants, tels que le Fonds de cohésion, le Fonds pour l’innovation ou encore le programme InvestEU. Il est également proposé aux États membres de réaffecter l’argent non utilisé du plan de relance de 2020, déjà redirigé en mai 2022 pour financer l’indépendance énergétique de l’Union (REPowerEU). Les États devront ainsi désormais intégrer dans le déploiement de leurs plans de relance nationaux les impératifs de verdissement de l’industrie et de maintien de la compétitivité.
Les cadres des instruments existants seront ainsi flexibilisés, une décision appuyée et saluée par de nombreux États membres, notamment la France, qui insistent sur la nécessité de rendre les procédures « plus simples, plus rapides et plus prévisibles et de permettre le déploiement rapide d'un soutien ciblé, temporaire et proportionné, y compris par le biais de crédits d'impôt, dans les secteurs stratégiques pour la transition écologique et qui subissent l'impact négatif des subventions étrangères ou des prix élevés de l'énergie ».
Un assouplissement du cadre pour les aides d’État au déploiement des ENR
Le Pacte vert prévoit ainsi une nouvelle flexibilisation et une prolongation jusqu’en 2025 du cadre de crise temporaire pour les aides d’État, ciblé sur le développement des énergies renouvelables.
Ce nouveau cadre comprend notamment l’élimination des procédures de mise en concurrence de certaines technologies « jeunes » comme l’hydrogène, et le soutien à la production de produits identifiés comme « clés » pour la transition écologique (par exemple les batteries, panneaux solaires, turbines éoliennes, pompes à chaleur, électrolyseurs et dispositifs de captage et stockage du carbone).
Le Parlement européen, dans sa résolution, demande par ailleurs l’intensification et l’amélioration de la commercialisation des technologies stratégiques et la simplification des procédures de délivrance de permis rapides, pour accompagner au mieux le déploiement de nouveaux projets de création de sources d’énergies renouvelables.
La question des matières premières critiques, enjeu stratégique pour l’UE
Abordée dans le cadre des discussions entre États membres autour du Pacte vert européen pour l’industrie lors du sommet européen des 9 et 10 février derniers, la question des matières premières critiques est cruciale pour la compétitivité et l’autonomie stratégique de l’UE. Les États membres se sont ainsi accordés sur la nécessité de conclure des accords commerciaux « équitables et transparents » avec le plus de partenaires internationaux possible dans le monde afin de diversifier les chaînes d’approvisionnement.
Les députés européens ont eux-aussi souligné l’importance de la question d’un accès sécurisé, accéléré et transparent aux matières premières pour garantir les transformations écologiques et numériques de l’UE.
Une proposition règlementaire sur le sujet est attendue en mars et devrait notamment alléger les règles environnementales pour l’extraction de ces ressources, indispensables à la fabrication des batteries.
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Lien vers le communiqué de presse de la Commission européenne