Ce lundi 11 mars 2019, Mme Joëlle Milquet, conseillère spéciale du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, a présenté son rapport sur le renforcement des droits des victimes à l’occasion de la journée européenne de commémoration des victimes du terrorisme. Mme Joëlle Milquet, ancienne ministre belge entre 2008 et 2014, fut nommée conseillère spéciale du président de l’exécutif européen en octobre 2017, avec pour mandat la rédaction d’un rapport sur l’indemnisation des victimes de la criminalité.
La nomination d’une conseillère spéciale à l’indemnisation des victimes s’inscrit dans le cadre plus large de lutte contre la violence et d’aide aux victimes, insufflé par le président Juncker. Depuis novembre 2015, une directive relative aux droits des victimes établit un ensemble de droits pour les victimes d’actes criminels qui doivent être garantis par les Etats membres de l’Union européenne.
Elle a été complétée en 2017 par une directive plus spécifique relative à la lutte contre le terrorisme. La directive fournit une liste exhaustive d’actes graves que les Etats membres doivent inscrire dans leurs législations pénales comme des infractions terroristes quand elles sont commises ou menacent d’être commises. C’est notamment le cas lorsque ces actes visent à intimider une population, contraindre indûment des organismes internationaux ou des pouvoirs publics à accomplir un acte quelconque ou au contraire s’abstenir de le faire. La déstabilisation et ou destruction de structures politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales fondamentales d’un pays ou d’un organisme international sont également considérés par la directive susvisée comme des actions à but terroriste. Nonobstant le caractère contraignant de la directive, elle n’est aujourd’hui pas appliquée dans l’ensemble de l’Union ; le Danemark, l’Irlande, la Grèce, le Luxembourg, la Grèce, Chypre et le Royaume-Uni n’ayant pas pris les mesures de transposition nécessaires à la transposition en droit interne de la directive.
D’autre part, la Commission a annoncé au mois de janvier 2019 la création d’un centre européen d'expertise pour les victimes du terrorisme en charge de fournir des lignes directrices sur la mise en œuvre des règles de l'Union européenne et de dresser une liste d’experts reconnus et disponibles au niveau national sur les questions de terrorisme.
Le rapport présenté par la conseillère spéciale Joëlle Milquet s’inscrit dès lors dans le vaste cadre d’une européanisation de la lutte contre le terrorisme, sans pour autant pouvoir parler d’un transfert de compétence vers l’Union européenne. Le rapport de Mme Joëlle Milquet sur le renforcement des droits des victimes met à disposition de l’exécutif européen et des Etats membres des recommandations en vue de renforcer l’accès des victimes à la justice ainsi qu’aux indemnisations consécutives du préjudice subi. La conseillère spéciale du président de la Commission est indépendance ; son rapport n’engage par conséquent ni la Commission européenne ni les Etats membres à suivre les recommandations proposées. Elles ont toutefois reçu un accueil positif de l’exécutif européen lors de la présentation du rapport ce lundi.
Celui-ci propose 41 recommandations afin de faciliter l’accès des victimes à la réparation de leur préjudice. Ces recommandations sont regroupées au sein de six thématiques :
- Renforcement de la coopération ;
- Accès à l’information ;
- Indemnisation publique ;
- Indemnisation par l’auteur de l’infraction ;
- Accès aux services d’aides pour les victimes.
Le rapport propose de généraliser les pratiques qui fonctionnent dans les différents Etats membres afin de proposer une nouvelle approche généralisée du droit des victimes au sein de l’Union européenne. La conseillère spéciale soumet tout d’abord l’idée d’un coordinateur européen pour le droit des victimes au sein d’un centre pour les victimes de toutes les formes de criminalité. Le rapport souligne d’autre part le manque d’information des victimes qui pourrait être pallié par l’obligation d’information des victimes de leurs droits et possibilités de réparation au cours de la procédure pénale. Le rapport propose de surcroît d’amender les systèmes d’indemnisation pour les faire reposer davantage sur l’auteur de l’infraction. En un mot, le rapport de la conseillère spéciale Milquet appelle de ses vœux une réparation effective des victimes et non pas une simple compensation des dommages subis.
Le rapport s’intéresse plus singulièrement aux besoins et problèmes spécifiques des victimes de certaines catégories de criminalité, dont notamment le terrorisme. En effet, ce type de criminalité radicale se distingue des autres par le caractère diffus de ses conséquences. Les victimes d’actes terroristes, sauf exceptions, ne sont pas visées personnellement mais en tant que représentants d’une société et d’un Etat. Le spectre des victimes, directes comme indirectes, se retrouve ainsi bien plus large que dans les manifestations classiques de la criminalité. L’impact psychologique sur toute la société lors d’une attaque terroriste est si fort parfois que l’aide apportée aux victimes ne peut être à la hauteur de l’aide apportée aux autres types de victimes, notamment dans le cadre de la prise en charge des blessés. Ces victimes se trouvent d’autant plus bien souvent involontairement au centre d’une spirale médiatique incontrôlable qui n’aide ni la prise en charge ni la reconstruction.
Le rapport présente ainsi quatre problèmes et besoins spécifiques aux victimes du terrorisme : la reconnaissance, le traitement respectueux, l’accès à l’information et l’aide personnalisée.
En effet, la reconnaissance des victimes joue un rôle important dans le processus de reconstruction. Les victimes du terrorisme ne sont généralement pas attaquées personnellement mais en tant que représentants d’une société et d’un Etat. Les actes de reconnaissance tels que les commémorations ou les symboles (comme la Médaille nationale de reconnaissance aux victimes du terrorisme en France) participent positivement au processus de reconstruction des victimes.
Le traitement respectueux des victimes doit également être une priorité selon le rapport de la conseillère spéciale Milquet, afin d’éviter un traumatisme supplémentaire lié à un traitement inapproprié de la victime. Le rapport met ici l’accent sur le rôle joué par les médias dans l’exposition involontaire des victimes du terrorisme.
Le rapport préconise également un accès clair et honnête aux informations. Les victimes ont besoin d’informations véridiques et honnêtes sur les événements pour les aider dans la compréhension des événements et pour leur reconstruction.
D’autre part, les victimes du terrorisme ont besoin d’une aide clinique aussi bien à très court terme qu’à long terme. L’accès à un soutien psychologique est fondamental. Cette aide psychologique s’avère aujourd’hui incomplète au sein des Etats membres de l’Union, où la plupart des Etats n’offrent pas de suivi psychologique gratuit des victimes ou uniquement à court terme. Les traumatismes peuvent pourtant se maintenir durant plusieurs années voire ne pas se développer avant plusieurs années. Le rapport appelle donc de ses vœux une prise en charge psychologique aussi longue que celle-ci est nécessaire pour les victimes.
Enfin, le rapport suggère la création d’un fond européen pour les victimes du terrorisme. Dans la mesure où depuis 1980 seuls 9 Etats membres ont été touchés par des attaques terroristes mais que les victimes ne se limitent pas à ces neuf Etats, le fonds européen pour les victimes permettrait d’accompagner les mesures prises à une échelle nationale par les Etats membres pour indemniser plus efficacement les victimes.
Pour aller plus loin :
Rapport complet (en anglais)
Résumé du rapport (en français)