Le mercredi 20 décembre, le Conseil de l'Union européenne, le Parlement européen ainsi que la Commission européenne sont parvenus à un accord sur l'ensemble des mesures du Pacte sur la migration et l'asile, qui avait été présenté par la Commission européenne en septembre 2020. Cet accord intervient alors que l'agence Frontex, l'agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, a enregistré une hausse de 17% des entrées irrégulières en décembre 2023 par rapport à la même période en 2022.
Le renforcement des frontières extérieures de l'Union
Dans les grandes lignes, la réforme prévoit un premier "filtrage" des migrants à leur arrivée sur le sol européen. Ce dernier permettrait de déterminer, dans un délai de sept jours, si le demandeur doit déjà faire l'objet d'une procédure de retour - par exemple si une précédente demande d'asile lui avait déjà été refusée. Par ailleurs, cette réforme initie également la mise en place d'une procédure spéciale de demande à la frontière pour les migrants étant statistiquement moins susceptibles d'obtenir l'asile au vu de leur pays d'origine ou de leur statut. Dans le cadre de cette procédure, le délai de traitement des demandes ne pourra dépasser douze semaines.
Ce filtrage s'appuiera notamment sur le renforcement de l'instrument Eurodac, qui recueille les données d'identification - notamment biométriques (empreintes digitales, images faciales…) - des migrants sur le sol européen.
Par ailleurs, un "volet crise" du pacte migratoire prévoit des règles spécifiques en cas d'afflux massif de migrants, à l'image de la crise migratoire de 2015-2016. Ce mécanisme permettra la mise en place d'un régime dérogatoire moins protecteur pour les demandeurs d'asile, avec une durée possible de détention aux frontières extérieures de l'UE prolongée ainsi que que des procédures d'examen des demandes d'asile simplifiées et accélérées - notamment au travers de l'élargissement de la procédure à la frontière mentionnée ci-dessus. Le volet crise facilite également l'octroi d'une protection temporaire à des groupes de personnes originaires de pays en guerre.
La fin du système de Dublin ?
Le futur Pacte migratoire marquera également, selon les mots de la Présidente de la Commission européenne en 2020, "l'abolition du règlement de Dublin", qui attribuait le traitement des demandes d'asile aux pays d'entrée de l'Union (Italie, Grèce, Espagne et Malte) sans qu'un système de relocalisation efficace ait pu être mis en place. Cependant, de fait, le nouveau projet conservera la règle générale de Dublin selon laquelle le premier pays d'entrée dans l'UE d'un demandeur d'asile est responsable de son dossier.
Néanmoins, un mécanisme de solidarité spécifique pourra être déclenché en faveur d'un État concerné par un fort afflux de migrants. Le cas échéant, les autres États membres devront contribuer en prenant en charge des demandeurs d'asile au travers de relocalisations ou bien en apportant un soutien financier. Si le mécanisme de solidarité laisse aux États membres une certaine flexibilité, l'accord prévoit tout de même un seuil minimum de 30 000 relocalisations par an de demandeurs d'asile selon une répartition préétablie, ainsi qu'une compensation financière de 20 000 euros par demandeur d'asile non relocalisé.
Un pacte vivement dénoncé par certaines associations
Bien que la commissaire européenne aux Affaires intérieures, la Suédoise Ylva Johansson, ait qualifié l'accord de "moment historique", la réforme a suscité de vives réactions de la part des organisations de défense des droits humains. Une cinquantaine d'ONG, dont Amnesty International et Oxfam, avaient en effet rédigé le 18 décembre une lettre ouverte aux négociateurs déplorant l'aboutissement probable d'un "système mal conçu, coûteux et cruel".
À la suite de l'accord interinstitutionnel, la réforme doit maintenant être officiellement entérinée par les deux colégislateurs européens, le Conseil et le Parlement, pour une adoption finale de l'ensemble des textes souhaitée avant les élections européennes de juin 2024.
Pour plus d'informations
Article de "Toute l'Europe" - Qu'est-ce que le Pacte européen sur la migration et l'asile ?