Selon un rapport d'ONG publié le 2 février dernier sur le projet de réforme en matière de statistique agricole européenne, une dizaine d’États de l’Union européenne s'opposent à la transparence sur les quantités de pesticides utilisées en agriculture.
Pour les auteurs de ce rapport (les ONG PAN Europe (Pesticide Action Network Europe), GLOBAL 2000 et ClientEarth), les modifications demandées par certains États membres torpilleraient la mise en œuvre de la stratégie « Farm to Fork », celle pour la biodiversité à l'horizon 2030 et le volet agricole du Pacte vert européen. Cette réforme des statistiques agricoles a été proposée en février 2021 par la Commission européenne afin de mettre à jour la réglementation agricole sur les intrants et extrants agricoles en vue de remédier à l'absence de données précises indiquant quels pesticides sont utilisés pour la production alimentaire dans les États membres et où et quand ils sont utilisés.
Selon les ONG, les États membres ayant édulcoré la proposition de règlement sont l'Autriche, la République tchèque, le Danemark, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Slovénie, l'Espagne, la Pologne, la Hongrie et l'Irlande. Parmi les amendements proposés, le rapport indique que le "groupe des dix États" refuse que les statistiques d'utilisation de pesticides soient fournies chaque année à Eurostat, préférant qu'elles le soient tous les cinq ans. Ce à quoi M. Dermine de PAN Europe a répondu que "ces informations sont pourtant cruciales si l’on veut pouvoir s’adapter et observer, année après année, les secteurs ou les régions agricoles qui rencontrent plus de difficultés que d’autres à modifier les pratiques". D’autres amendements demandés par ces Etats vont dans le même sens, comme le rejet du recueil obligatoire et harmonisé des données, susceptible de permettre des comparaisons d’usage entre les États membres ou le rejet de l’exigence d’une transmission des données au format électronique. Aussi, le rapport indique que les amendements du Conseil entretiennent un flou sur la possibilité d’accès public à ces données. Un point important, car la Commission souhaitait permettre aux particuliers et aux collectivités locales de se renseigner avec précision sur les épandages de pesticides à l’échelle de micro territoires. Cet amendement a été durement critiqué par le rapport. Effectivement, selon Alice Bernard de l'ONG Client Earth, "l’accès public à ces données est très important pour pouvoir caractériser les pollutions au niveau local. Par exemple, pour savoir quels sont les polluants à rechercher dans les sources d’eau, il faut connaître les produits qui ont été utilisés immédiatement autour".
Pourtant, selon le rapport des ONG, les États membres n’avaient pas grand-chose à redire au projet de la Commission européenne au début "mais un groupe de dix pays s’est coordonné pour vider le texte de la substance. Les dix-sept autres, s’ils n’ont pas activement combattu la proposition de Bruxelles, ont globalement fini par accepter ces amendements" par un vote du 10 décembre 2021. Bien que l'Allemagne et l'Autriche aient été les chefs de file de ces modifications, ces derniers ont finalement annoncer voter contre ces propositions. Cela s'explique par le changement de gouvernement en Allemagne, avec un ministre Vert à l'Agriculture.
La Cour des comptes elle-même, en février 2021, avait jugé que les États membres n'en faisaient pas assez pour réduire l'utilisation des pesticides. Dorénavant, toujours selon M. Dermine, la France qui a pris la présidence de l'Union après le vote, aura la lourde tâche "de défendre au nom du Conseil un texte à la construction duquel elle n’a que peu participé".