Les ministres européens des Finances ont décidé d’instaurer un droit de douane forfaitaire de 3 euros sur les petits colis entrant dans l’Union européenne, afin de renforcer la concurrence loyale et le contrôle des importations.
Contexte
Depuis plusieurs années, l’Union européenne est confrontée à une augmentation massive des importations de colis de faible valeur, principalement liée à l’essor du commerce électronique transfrontalier. Des milliards de petits envois, souvent vendus via des plateformes en ligne basées hors de l’UE, entrent chaque année sur le marché européen. Jusqu’à présent, les marchandises d’une valeur inférieure à 150 euros bénéficiaient d’une franchise douanière, les exemptant de droits de douane, même si elles restaient soumises à la TVA.
Ce régime a progressivement montré ses limites. Les autorités nationales peinent à contrôler des volumes très élevés de colis, souvent mal déclarés, tandis que les détaillants et producteurs européens dénoncent une distorsion de concurrence avec des produits importés à bas prix. Cette situation a également des conséquences budgétaires et complique la lutte contre la fraude et la contrefaçon.
Dans ce contexte, l’Union européenne a engagé une réforme en profondeur de son cadre douanier, visant à moderniser les contrôles et à mieux encadrer le commerce en ligne. La décision d’instaurer un droit de douane forfaitaire sur les petits colis s’inscrit comme une mesure transitoire, en attendant la mise en œuvre du nouveau code des douanes de l’UE et du futur centre de données commun (EU DataHub), destinés à renforcer la coopération et l’efficacité des autorités douanières européennes.
Une mesure transitoire pour réguler le commerce en ligne
Cette décision constitue un amendement au règlement 1186/2009 relatif au régime communautaire des franchises douanières. Elle fait suite à l’accord précédent visant à supprimer l’exemption douanière pour les colis de faible valeur, conclu lors du dernier Conseil « Écofin ».
L’objectif est d’instaurer un droit de douane temporaire en attendant la mise en œuvre de la réforme complète du code des douanes et du futur centre de données commun (EU DataHub). Cette réforme vise à renforcer la transparence, la sécurité et la capacité de contrôle des flux commerciaux vers l’UE.
Roland LESCURE, ministre français, a salué cette décision comme une « avancée majeure » pour les consommateurs, les producteurs et les détaillants européens. Selon lui, la mesure garantit que l’UE peut agir rapidement face à des importations massives à faible coût, souvent difficiles à contrôler et susceptibles de déséquilibrer la concurrence.
Les modalités pratiques du droit de douane
La taxe forfaitaire s’appliquera à toutes les marchandises entrant dans l’UE pour lesquelles les vendeurs non européens sont enregistrés auprès du guichet unique d’importation (IOSS) aux fins de la TVA. Cela concerne 93 % des flux de commerce électronique vers l’UE.
Le montant forfaitaire de 3 euros est calculé par catégorie d’article, et non par unité. Par exemple, si un client commande cent bougies identiques, la taxe ne s’applique qu’une seule fois pour cette catégorie. Ce mécanisme vise à rester dissuasif, tout en restant simple à administrer.
Les déclarants, principalement les plateformes en ligne, seront responsables du paiement de ce droit de douane au premier point d’entrée dans l’UE, généralement au niveau des plateformes aéroportuaires. Comme tout droit de douane, il constituera une ressource propre de l’Union européenne.
Des enjeux économiques et sociaux
Cette mesure répond à des préoccupations croissantes des États membres concernant la concurrence déloyale et la fermeture progressive de commerces locaux face à l’afflux massif de produits importés à bas prix, notamment depuis la Chine. Stephanie LOSE, ministre danoise, a souligné que l’objectif était de protéger les détaillants européens et de garantir un marché équitable pour tous.
La France, qui a milité pour un montant forfaitaire fixe plutôt qu’une taxe proportionnelle, espère une application rapide et un suivi efficace par les services douaniers. Des travaux techniques restent cependant nécessaires pour finaliser les détails de la mise en œuvre.
Vers une réforme complète des douanes européennes
Cette mesure s’inscrit dans le cadre plus large de la réforme du code des douanes de l’UE. Les négociations avec le Parlement européen ont permis de progresser sur plusieurs points essentiels, notamment la création de l’Autorité douanière de l’Union européenne (EUCA) et la définition de ses fonctions et de sa gouvernance.
Certaines questions restent ouvertes, comme les sanctions et le calendrier exact d’accès au centre de données. Les États membres et le Parlement devront faire preuve de flexibilité pour parvenir à un compromis, afin que le nouveau code soit appliqué de manière efficace et homogène à travers l’Union.



