Le transport maritime est un des seuls secteurs parmi les plus émetteurs de gaz à effet de serre qui n’est toujours soumis à aucun mécanisme incitatif ou contraignant pour réduire ses émissions. Suite à l’adoption d’un règlement européen en 2015, les compagnies du secteur sont obligées de déclarer leurs émissions depuis 2018. Cette année-là, le transport maritime européen a engendré près de 139 millions de tonnes d’émissions de CO2, soit plus que le secteur du transport automobile. Le transport de marchandises génère 80% des émissions du secteur, les 20% restants étant imputés aux transports de passagers. À l’échelle mondiale, le transport maritime représente 3% des émissions et celles-ci sont en constante augmentation.
Le vent pourrait bien tourner puisqu’à l’annonce du Green Deal par la Présidente VON DER LEYEN en décembre dernier, le transport maritime était bien inclus dans les plans de la Commission européenne. Cette dernière souhaiterait voir ce secteur être intégré au système d’échange de quota d’émission (SEQE) européen afin de forcer les entreprises du transport maritime à réduire leurs émissions ou à payer pour continuer à émettre. Plusieurs aspects de cette proposition font déjà l’objet de débat entre la Commission, les États membres et certains membres du Parlement européen.
Dans un premier temps, le calendrier proposé ne fait pas l’unanimité. Selon les plans de la Commission, la proposition de loi ne devrait être publiée qu’en milieu d’année 2021. Jutta PAULUS, députée allemande des Verts en charge de diriger les négociations du Parlement européen pour mettre à jour les règles européennes sur la surveillance du transport maritime, estime quant à elle qu’il faut l’y inclure au plus vite pour forcer le secteur à réduire ses émissions. Certains États membres, comme les Pays-Bas, espère obtenir une évaluation approfondie de l’impact potentiel d’un tel projet avant d’avancer sur le sujet, ce qui pourrait repousser l’intégration du secteur du transport maritime dans le SEQE pour après 2021.
Un autre point de discorde potentiel restera bien évidemment l’utilisation des recettes générées par l’intégration des compagnies de transport maritime au SEQE. Dans le système existant, les gouvernements nationaux perçoivent ces revenus et il sera difficile de les faire renoncer à de potentiels deniers supplémentaires. D’autres idées sont émises, notamment par Mme PAULUS, pour mutualiser ces recettes au niveau européen et les utiliser pour financer la transition énergétique du secteur.
Outre l’intégration du secteur maritime dans le SEQE, d’autres voies sont également explorées par les acteurs européens. Mme PAULUS propose par exemple de mettre en place des normes d’efficacité des moteurs afin de réduire d’ici 2030 les émissions des navires de 40% par rapport à 2018. Imposer une taxe sur le carburant est une autre possibilité mais le caractère international du transport maritime pourrait permettre aux navires d’éviter la taxe en se réapprovisionnant en dehors de l’UE, limitant ainsi l’efficacité d’une telle mesure.
Les discussions sont en cours au Parlement européen, auxquelles devraient rapidement succéder des discussions trilatérales entre la Commission, le Parlement européen et le Conseil. Le contrôle des émissions du secteur du transport maritime sera donc un sujet à suivre pour cette année 2020.