Le 7 févirier, l'Institut européen pour l'égalité de genre (EIGE) a publié un rapport présentant des mesures européennes visant à évaluer et lutter contre la cyberviolence à l'égard des femmes et des filles. La cyberviolence envers les femmes et les filles (CVAWG) est une forme de violence de genre amplifiée par l'utilisation croissante des technologies numériques.
Créer un référentiel commun pour lutter contre la cyberviolence
Dans son nouveau rapport, l’EIGE a détaillé un cadre de mesure européen visant à évaluer et lutter contre la cyberviolence à l’égard des femmes et des filles. Ce rapport est issu d'une étude menée entre mars 2023 et avril 2024 et a pour objectif d’harmoniser la collecte de données au sein des États membres afin de mieux répondre aux exigences de la directive VAW/DV entrée en vigueur au printemps 2024. L’EIGE plaide ainsi pour un référentiel commun de mesure de la cyberviolence qui permettrait aux États membres de mieux évaluer son ampleur et d'adapter leurs politiques publiques en conséquence.
L’EIGE estime qu’une méthodologie précise et partagée est essentielle pour répondre efficacement à ce phénomène. Le rapport propose une approche fondée sur trois indicateurs :
- La prévalence : le nombre total de cas de cyberviolence,
- L’incidence : le nombre de nouveaux cas signalés,
- Les signalements aux autorités : le nombre de cas signalés officiellement.
L’étude a révélé que, à ce jour, aucun pays de l’UE ne dispose d’un mécanisme de suivi exhaustif de la cyberviolence en dehors des bases de données policières. Cette absence de suivi complet sous-estime probablement l'ampleur réelle de la cyberviolence. De plus, les définitions juridiques de la cyberviolence varient considérablement d’un pays à l’autre, ce qui complique davantage la coordination des réponses à l’échelle européenne.
L’EIGE plaide donc pour une action coordonnée au sein de l'UE, en appelant les États membres à adopter des définitions claires et partagées des différentes formes de cyberviolence. Cela permettrait non seulement d'améliorer la collecte de données, mais aussi de renforcer les réponses judiciaires et les politiques de prévention.
Augmentation des riques auxquels sont confrontés les femmes et les filles
Le développement rapide des plateformes en ligne, associé à l’émergence de nouvelles technologies telles que l’intelligence artificielle (IA), la réalité virtuelle (RV) et la réalité augmentée (RA), augmente considérablement les risques auxquels sont confrontées les femmes et les filles. Ces nouvelles formes de violence numérique ont des impacts dévastateurs sur leurs voix, leurs corps et leurs droits.
L'Agence de l’Union Européenne pour les Droits Fondamentaux (FRA) a révélé en 2023 que 53 % des publications sur les réseaux sociaux contiennent des discours haineux, dont les femmes sont les principales cibles dans la plupart des pays. Cette situation est renforcée par la manipulation d’images et la diffusion de contenus non consensuels, exacerbée par les technologies numériques. La cyberviolence prend diverses formes : cyberharcèlement, incitation à la haine, et diffusion non autorisée de matériel intime.
Cependant, ces mêmes technologies offrent également des solutions potentielles pour lutter contre la cyberviolence. Les outils d'automatisation de la modération des contenus en ligne, soutenus par l’IA, peuvent améliorer la détection des comportements violents et compléter les efforts de modération humaine. En outre, les plateformes numériques peuvent exploiter les données des réseaux sociaux pour mieux comprendre les comportements des agresseurs et répondre de manière plus ciblée aux incidents de cyberviolence.
Développements politiques clés au niveau européen
Face à la montée de la cyberviolence, des avancées politiques importantes ont été réalisées au niveau européen ces dernières années :
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Recommandations du Conseil de l’Europe en 2021 : Le Groupe d'experts sur l'action contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (GREVIO) a publié une recommandation générale concernant la dimension numérique de la violence envers les femmes. Cette recommandation a permis de positionner la violence numérique comme une forme de violence de genre couverte par la Convention d’Istanbul, visant à prévenir et combattre la violence contre les femmes et la violence domestique.
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Le Règlement sur les Services Numériques (2022) : Adopté en octobre 2022, ce règlement vise à limiter les activités illégales et nuisibles en ligne, lutter contre la désinformation et renforcer la sécurité des utilisateurs. L’objectif est de garantir un environnement en ligne plus sûr et plus équitable tout en protégeant les droits fondamentaux.
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La Directive VAW/DV (2024) : En mai 2024, le Parlement Européen et le Conseil de l’Union Européenne ont adopté la Directive sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (VAW/DV). Cette directive impose aux États membres de l’UE une obligation légale de suivre et signaler toutes les formes de cyberviolence, y compris le partage non consensuel de matériel intime, le cyberharcèlement, le cyberstalking, et l’incitation à la haine en ligne. Elle charge également l’Institut Européen pour l’Égalité entre les Hommes et les Femmes (EIGE) d’appuyer les États membres dans la mise en place de mécanismes de collecte de données et de normes communes.
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