Afin de tenir les engagements du Pacte vert pour l'Europe, avec en tête de proue la neutralité carbone d'ici 2050, une conversion majeure aux énergies renouvelables est nécessaire. C'est pour cela qu'en matière d'énergies marines renouvelables (EMR), la Commission européenne a entrepris de faire évoluer la capacité installée de l'Union de 16 GW actuellement à 61 GW en 2030 et à 340 GW en 2050. Pourtant, un rapport publié le 18 septembre par la Cour des comptes européenne met le doigt sur le manque de réalisme de ces objectifs et révèle les coûts sociaux et environnementaux élevés que peuvent générer la construction de telles infrastructures.
Un décalage abyssal entre les objectifs fixés et la réalité
Depuis quarante ans, la Commission européenne œuvre pour le développement des EMR. Elle y a consacré 2,3 milliards d’euros, en plus de 14,4 milliards d’euros de prêts et d’investissements en fonds propres débloqués par la Banque européenne d’investissement. La Cour des comptes a donc mené son enquête en évaluant la situation de quatre États membres (l’Allemagne, l’Espagne, la France et les Pays-Bas) quant à leurs avancées sur les EMR : éolien en mer, hydroliennes, solaire flottant...
Toutefois, atteindre de tels objectifs nécessite, outre un vaste espace maritime, une mobilisation financière privée bien supérieure estimée à 800 milliards d’euros. Or, face à un tel besoin d'investissement, la Cour des comptes européenne conclut que « les objectifs de croissance sont ambitieux et pourraient être difficiles à atteindre ».
Le rapport appelle à une meilleure distribution des ressources de l'Union à destination des EMR : « nous attendons de la Commission qu’elle dresse l’inventaire des besoins et qu’elle alloue les fonds de l’UE à des projets qui répondent aux difficultés mises en évidence ».
Un risque de naufrage social et environnemental
Mis à part la problématique financière, le déploiement des EMR est vecteur d'un véritable « dilemme écologique » selon la Cour des comptes européenne. Si d'un côté leur installation est essentielle à la transition écologique européenne, le risque d'une atteinte à l'écosystème marin est tout aussi préoccupant. Effectivement, le rapport pointe l'absence de toute évaluation quant aux dommages potentiels que peuvent provoquer ces technologies vis-à-vis de la biodiversité marine : déplacement d’espèces, changements dans la structure des populations, modification des schémas de migration, etc.
Quant aux difficultés sur le plan social, elles proviennent du fait que les EMR ne coexistent que rarement avec d’autres secteurs d’activité. Ainsi, la récurrence des conflits avec les pêcheurs ralentit fortement leur implantation.
Un ultime défi est celui de l'approvisionnement en matières premières : l'Union est dépendante de la Chine en ce qui concerne la fabrication d’aimants permanents pour les générateurs.
Le rapport pointe également que le nombre de projets communs entre États membres est largement insuffisant au regard des objectifs fixés : une coopération interétatique est vivement recommandée. Ces freins à la mise en place des EMR sont résumés par Nikolaos Milionis, le Membre de la Cour responsable de l’audit : « la révolution bleue de l'UE ne doit pas être poursuivie à tout prix : les énergies renouvelables en mer ne doivent pas entraîner de dommages sociaux ou environnementaux importants ».
L'heure du changement de cap avec l'établissement de nouveaux plans nationaux
En conclusion, l'essor de ces nombreux obstacles a bousculé la planification initiale et requiert l'élaboration d'une nouvelle stratégie en lien avec les EMR. Le cas français illustre cela avec un délai d'approbation des installations éoliennes en mer qui peut dépasser les 11 ans.
De cette façon, si la Cour des comptes persiste en recommandant à la Commission européenne de soutenir le développement des EMR, cela est consubstantiel à la définition d'objectifs spécifiques par État membre, déclinés selon le type d'énergie marine renouvelable et rassemblées dans les plans nationaux Énergie-Climat (PNEC). Une plus grande attention doit aussi être portée aux questions sociales, industrielles et environnementales avec la réalisation d'études d'impact.