La Commission européenne présente deux options de financement pour soutenir l’Ukraine

In Ukraine by Occitanie Europe

Alors que la guerre en Ukraine se poursuit, l’UE propose une double stratégie de financement visant à couvrir les besoins civils et militaires du pays, tout en envoyant un signal fort à la Russie sur la pérennité de son engagement.


Contexte

Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, l’Union européenne s’est engagée à soutenir le pays à la fois sur le plan humanitaire, économique et militaire. Les besoins financiers de l’Ukraine restent colossaux, le FMI estimant à 135 milliards d’euros le montant nécessaire pour 2026 et 2027 afin de maintenir les services publics, soutenir l’économie et financer l’effort de défense.

Jusqu’à présent, l’UE avait fourni une aide macrofinancière via la « Facilité pour l’Ukraine », dotée de 50 milliards d’euros sur la période 2024-2027, ainsi que des contributions militaires et humanitaires ciblées. Cependant, le conflit se poursuit et la Russie reste un acteur économique et politique puissant, avec des avoirs financiers importants immobilisés en Europe, estimés à près de 185 milliards d’euros dans des institutions comme Euroclear.

Dans ce contexte, la Commission européenne cherche à combiner soutien financier massif et stratégies innovantes pour faire porter le coût de la guerre sur la Russie, tout en protégeant les États membres des risques juridiques et financiers.

L’enjeu est double : permettre à l’Ukraine de continuer à se défendre et de renforcer sa position dans les négociations internationales, tout en envoyant un signal clair à Moscou que l’engagement de l’UE est durable et structuré. Ces propositions interviennent alors que les négociations pour mettre fin à la guerre sont encore largement pilotées par les États-Unis, excluant souvent les Européens, ce qui accentue l’urgence pour l’UE de consolider sa propre stratégie de soutien.


Deux options pour financer l’Ukraine

La première option mise sur un prêt européen traditionnel, garanti par le budget de l’Union à travers une modification du cadre financier pluriannuel (CFP). Ce mécanisme nécessite l’unanimité des États membres pour être activé avant 2028 ; à défaut, il ne pourrait reposer sur les garanties du budget européen qu’à partir de l’entrée en vigueur du CFP 2028-2034. Si l’unanimité n’est pas atteinte, les États membres devraient fournir des garanties nationales proportionnelles à leur revenu national brut, voire couvrir la part des pays refusant de participer. Ce dispositif alourdirait mécaniquement la dette publique de plusieurs gouvernements, ce qui en fait une option politiquement sensible.

La deuxième option, privilégiée par Ursula VON DER LEYEN ainsi que par plusieurs États membres dont l’Allemagne, consiste en un Prêt de réparation, un montage inédit mobilisant l’ensemble des avoirs de la Banque de Russie immobilisés dans l’UE, sans les confisquer. Ces actifs, environ 185 milliards d’euros détenus majoritairement chez Euroclear, auxquels s’ajoutent 25 milliards ailleurs dans l’Union, serviraient à générer des revenus permettant de garantir un prêt de 210 milliards d’euros, dont 95 milliards pour l’aide macrofinancière et 115 milliards pour le soutien militaire. Kyiv ne rembourserait ce prêt qu’une fois que la Russie aura payé des réparations de guerre, ce qui transfère le poids financier sur Moscou à long terme.


Des garde-fous juridiques et financiers

Pour sécuriser ce mécanisme, la Commission propose d’introduire plusieurs mesures destinées à protéger l’Union et ses États membres. Une clause de ‘non-retour en arrière’ empêcherait l’Ukraine de revenir sur les réformes anticorruption déjà adoptées. Un compte spécial permettrait de suivre précisément les flux financiers.

Surtout, la Commission renforce le cadre juridique empêchant la Russie de faire valoir ses créances dans l’UE, en complétant les sanctions existantes par de nouvelles dispositions basées sur l’article 122 du TFUE. En parallèle, un dispositif de liquidité d’urgence est envisagé pour soutenir des entités détenant des actifs russes immobilisés, telles qu’Euroclear, si leurs positions se retrouvaient fragilisées.


Une Belgique encore hésitante

Malgré ces garanties, la Belgique, pays directement concerné en raison du rôle central d’Euroclear, demeure prudente. Le ministre des Affaires étrangères, Maxime PRÉVOT, a exprimé son insatisfaction et réclame une couverture complète des risques encourus par son pays, notamment sur le plan juridique. La Commission assure pourtant avoir répondu à « pratiquement toutes » les inquiétudes exprimées par Bruxelles et insiste sur la répartition équitable des garanties entre les États membres.


Vers une décision européenne en décembre

La Présidence danoise du Conseil de l’UE a déjà lancé des discussions intensives au Coreper afin d’aboutir à une position commune lors du Conseil européen des 18 et 19 décembre. Les deux mécanismes proposés pourraient, en théorie, être combinés, offrant une flexibilité supplémentaire dans la construction du futur soutien européen. Reste à savoir si les États membres s’accorderont sur un dispositif unique ou sur une approche hybride, et si les réticences belges pourront être levées à temps.

Au-delà de l’ingénierie financière, la décision aura une forte portée politique : elle définira la capacité de l’Union à peser dans la phase actuelle du conflit et à assumer un leadership stratégique face à la Russie.


Pour aller plus loin

Voir la proposition de prêt de réparation

Voir la proposition interdisant le transfert vers la Russie des avoirs de la Banque de Russie

Print Friendly, PDF & Email