Condamnation du divorce pour manquement au devoir conjugal par la Cour européenne des droits de l’Homme

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Le 23 janvier 2021, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a rendu un arrêt condamnant la France pour avoir prononcé un divorce aux torts exclusifs de la requérante au motif d’un manquement à son devoir conjugal. Cette affaire remet ainsi en cause cette notion de devoir conjugal, inscrite dans le droit français.

 

Les premières décisions rendues par les juridictions françaises

L’affaire examinée par la Cour européenne des droits de l’Homme a initialement été portée devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Versailles par les deux époux afin de demander le divorce aux torts de leur conjoint. Ainsi, l’épouse assigna son mari pour faute (privilège de sa carrière professionnelle au détriment de leur vie familiale et comportement blessant et violent), tandis que celui-ci demanda que le divorce soit prononcé aux torts exclusifs de sa femme, argumentant qu’elle s’était soustraite à son devoir conjugal pendant plusieurs années en refusant d’avoir des rapports sexuels avec lui (en raison de problèmes de santé). Finalement, en 2018, le tribunal prononça le divorce pour « altération définitive du lien conjugal », sans estimer que l’un des deux époux était particulièrement en tort.

Néanmoins, la requérante fit appel de ce jugement et, en 2019, la cour d’appel de Versailles rendit un jugement différent : la prononciation du divorce aux torts exclusifs de l’épouse pour avoir refusé d’avoir des relations sexuelles avec son mari, car cela constituerait un manquement au devoir conjugal consacré par le Code Civil. Suite à cette décision, la requérante a souhaité porter l’affaire devant la Cour de Cassation, mais sa demande a été jugée non-recevable. Elle s’est alors tournée vers la Cour européenne des droits de l’Homme, une juridiction internationale instaurée par le Conseil de l’Europe qui a pour objectif d’assurer que les Etats signataires de la Convention des droits de l’Homme respectent leurs engagements pris dans ce cadre.

 

Une décision historique de la Cour européenne des droits de l’Homme condamnant le devoir conjugal

Ainsi, dans le cadre de cette affaire, la CEDH s’est appuyée sur la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (dite « la Convention d’Istanbul ») ratifiée et entrée en vigueur pour la France en 2014 et pour l’UE en 2023. Sur ce fondement, la Cour a estimé qu’aucun élément de l’affaire ne pouvait « justifier l’ingérence des pouvoirs publics dans le champ de la sexualité », et qu’il est impossible d’admettre que « le consentement au mariage emporte un consentement aux relations sexuelles futures ». Les juges de Strasbourg ont donc affirmé que l’obligation du devoir conjugal inscrite dans le droit français « est à la fois contraire à la liberté sexuelle, au droit de disposer de son corps et à l’obligation positive de prévention qui pèse sur les États contractants en matière de lutte contre les violences sexuelles et domestiques », ce qui condamne donc directement ce principe du devoir conjugal.


Plus d'Information:

Arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme

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