Mardi 12 mars 2019 se réunissaient de manière informelle les ministres des affaires européennes à Bucarest afin de plancher sur les propositions du prochain cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027. Mais qu’est-ce que le CFP ? Le CFP, visé à l’article 312 TFUE, établi pour une période d’au moins cinq ans, prévoit le budget de l’Union sur cette période donnée. Il a pour objectif d’améliorer la discipline budgétaire ainsi que d’optimiser, en les planifiant, la mise en œuvre des différents budgets. De ce fait, il « fixe les montant des plafonds annuels des crédits pour engagements par catégories de dépenses et du plafond annuel des crédits pour paiements » mais il prévoit également « toute autre disposition utile au bon déroulement de la procédure budgétaire annuelle » (art 312 §3 TFUE). Ainsi, l’exercice budgétaire actuel se terminant en 2020 (CFP 2014-2020), les institutions travaillent au CFP à venir, pour la période 2021-2027 ; d’où cette réunion informelle le 12 mars. A la baguette, la Roumanie qui préside actuellement le Conseil : elle souhaite instiguer un rythme de réunions assez soutenu afin de conclure un accord politique concernant le budget post-2020 à l’automne 2019. Néanmoins, la date idéale pour conclure cet accord semble déjà causer souci entre les Etats membres alors qu’il ne s’agit même pas du fond ! Effectivement lors d’une précédente réunion en février 2019, le Danemark et l’Italie avaient fait savoir que selon eux, il faudrait privilégier la « qualité de l’accord à sa vitesse d’exécution ». Et l’Espagne de rétorquer qu’il faudrait éviter tout retard et que l’accord devrait être conclu à l’automne 2019.
Outre la date de conclusion de l’accord, les Etats membres ont fait part de leurs doléances individuelles en matière budgétaire ; cela laisse présager des négociations longues et intense jusqu’à l’automne, mais comme le souligne le président d Conseil Affaires générales, « c’est un marathon, pas un sprint ». Et heureusement que ce n’est pas un sprint vu les divergences en présence. Ainsi, si la plupart des Etats membres (France, Allemagne, Grèce, Danemark…) soutiennent l’instauration d’un régime de conditionnalité permettant de répondre à une éventuelle défaillance généralisée de l’Etat de droit, la Hongrie est très critique face à cela. Ou, concernant la politique de cohésion, nombreux sont les Etats souhaitant maintenir les crédits pour le prochain exercice budgétaire 2021-2027 au niveau actuel. Alors que d’autres sont plus critiques tels que l’Italie ou la Grèce qui voient la conditionnalité macroéconomique d’un mauvais œil, la Slovaquie qui quémande davantage de souplesse, l’Italie ou la Hongrie qui contestent la baisse du plafonnement de la politique de cohésion. Ou encore la France, selon qui, il faudrait ajouter à la conditionnalité macroéconomique une conditionnalité sociale. L’agriculture ne fait pas exception et peut aussi être considérée comme une pierre d’achoppement. Si pour la France, l’Espagne et l’Italie la PAC est une priorité et qu’à ce titre, ces pays souhaitent maintenir le niveau des crédits à ceux actuels, les pays baltes et les pays de l’Est, entrés plus récemment, souhaiteraient un niveau de convergence de ces aides, afin que l’ensemble des Etats membres dispose d’un niveau d’aides équivalent. Enfin on notera des divergences concernant le volume global que les Etats membres versent pour le budget de l’UE. Pour rappel, l’UE ne lève pas d’impôts ; son budget est fondé sur trois principales ressources : le Revenu National Brut (RNB) des Etats membres représente environ 2/3 du budget. Les ressources propres traditionnelles c’est-à-dire les droits de douane perçu sur les importations, ainsi que les ressources TVA constituent le troisième tiers. Ainsi les Etats plus « libéraux » souhaitent plafonner à 1% le montant maximum de leur RNB qui est consacré à l’UE ; contrairement à la Grèce qui est en accord avec la proposition du Parlement européen de plafonner la participation des Etats membres à 1.3% de leur RNB.
Certes les avis diffèrent entre les Etats membres sur le montant à accorder à chaque poste de dépenses, toutefois, s’il y avait un seul terme à retenir de cette rencontre en terres roumaines, c’est la « flexibilité ». Effectivement les ministres présents devaient discuter de la flexibilité qui serait instaurée dans le nouveau CFP, cela notamment avec le commissaire au budget G. Oettinger. L’idée de la Commission étant d’augmenter la flexibilité entre chaque budget annuel et, entre et dans les programmes et catégories préétablies. En quelque sorte, il s’agit de décloisonner l’exercice budgétaire afin de pouvoir utiliser tel poste de dépenses dans un autre domaine si cela s’avérait nécessaire et possible.
On l’aura compris, l’accord sur le CFP 2021-2027 est loin d’être conclu, pour autant, il sera encore débattu en mars, le 19, lors du Conseil Affaires générales et surtout en juin lors du Conseil européen. Affaire à suivre donc.