L'acte délégué complémentaire sur la taxonomie de l'UE devrait être adopté le 2 février prochain par la Commission européenne. Initialement prévu pour la fin janvier, ce document prévoit d’inclure le gaz fossile et l’énergie nucléaire dans la taxonomie en tant qu’activités « transitoires », moyennant le respect de certains critères.
Envoyé le 31 décembre aux Etats membres pour consultation, ce texte législatif très attendu vise à compléter le premier acte délégué relatif au volet climatique du règlement de l’UE (2020/852) établissant la taxonomie. La taxonomie constitue un système de classification des activités économiques jugées nécessaires pour atteindre les objectifs environnementaux de l’UE afin de guider les investissements privés vers trois types activités, les "durables", les "habilitantes" et celles de "transitions".
Pour rappel, c'est dans cette dernière catégorie que les débats sont les plus électriques puisque la Commission propose d’y inclure les activités liées au gaz fossile et au nucléaire. Sur la base d’avis scientifiques et compte tenu des progrès technologiques ainsi que des difficultés variables auxquelles les États membres sont confrontés dans la transition énergétique, la Commission considère en effet que « le gaz naturel et le nucléaire ont un rôle à jouer pour faciliter le passage vers un avenir s’appuyant majoritairement sur les énergies renouvelables ».
"Vers un affaiblissement du cadre durable de la taxonomie ..."
Toutefois, la Plateforme sur la finance durable, composée d'experts des Etats membres pour conseiller la Commission a eu la possibilité de consulter ce projet jusqu'au vendredi 21 janvier. Selon son rapport paru le lundi suivant, la proposition de la Commission n'est pas conforme au règlement de l’Union européenne (2020/852) établissant la taxonomie. En effet, le groupe d'experts considère que l'exécutif européen a utilisé une approche différente de celle suivie lors de l’élaboration du premier acte délégué en utilisant des critères de sélection technique fondamentalement différents et incohérents. De plus, les membres de la Plateforme ont des doutes sur la façon dont les critères proposés par la Commission fonctionneraient dans la pratique et beaucoup sont « profondément préoccupés » par les impacts environnementaux qui pourraient en résulter. La crainte est que le projet d’acte délégué « affaiblisse le cadre durable de la taxonomie » autant pour l'énergie gazière que nucléaire. A la suite de cette évaluation, la Plateforme propose la création d'une nouvelle catégorie de performance intermédiaire (catégorie 'orange' ou ‘Amber zone’). Sa proposition finale devrait paraitre dans les prochaines semaines.
Vienne et Berlin contre Paris sur la question du nucléaire
Les Etats membres ont également pu afficher leur position suite à ce temps de consultation. Sans surprise, l'Autriche s'est à nouveau opposé à ce projet en l'état. Vienne considère que ce texte « est fondamentalement défectueux, tant sur le fond qu’en ce qui concerne la procédure d’adoption », et « va directement à l’encontre de l’approche ambitieuse du règlement sur la taxonomie et de son objectif de prévenir le 'greenwashing' ». L'Autriche menace même d'aller jusqu'à la Cour de Justice de l'UE si le texte ne bouge pas. Du côté Allemand, Berlin s'oppose à l’inclusion de l’énergie nucléaire dans la taxonomie mais souhaite revoir les critères proposés concernant le gaz afin de laisser plus de flexibilité. Enfin, la France continue à pousser pour inclure l'énergie nucléaire dans le projet.
Les contributions des Etats membres ainsi que celles de la Plateforme sur la finance durable sont actuellement analysées par la Commission. Mais selon l’eurodéputé Michael BLOSS (Verts/ALE, allemand), la Commission ne compte pas modifier substantiellement le texte. Une fois ce travail d'analyse achevé, la Commission pourra formellement adopter l’acte délégué complémentaire.
Celui-ci sera ensuite transmis au Conseil de l’UE et au Parlement européen qui disposeront de quatre mois (six s’ils demandent une prolongation) pour examiner le document et éventuellement s’y opposer . Au sein du Conseil, cela nécessite un vote à la majorité qualifiée renforcée inversée, c’est-à-dire au moins 20 États membres représentant au moins 65% de la population de l’UE. Dans le cas du Parlement, une objection requiert un vote à la majorité simple, à savoir au moins 353 députés.