Voici déjà trois ans que les britanniques se sont exprimés le 23 juin 2016 en faveur d'une sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Le Premier ministre conservateur de l'époque, M. David CAMERON, qui avait lancé la procédure référendaire après des années de débats sur l'appartenance du Royaume-Uni à l'Union européenne tout en se prononçant pour le maintien dans l'Union avait alors dû quitter 10 Downing Street. Le parti conservateur avait été profondément divisé sur la question de la sortie du Royaume-Uni durant la campagne. M. Boris JOHNSON, ancien maire conservateur de Londres avait mené la campagne en faveur de la sortie du Royaume-Uni. Il n'avait cependant pas été au bout de la campagne interne au parti conservateur pour désigner le prochain Premier ministre. Mme Theresa MAY, alors secrétaire d'Etat à l'Intérieur était devenue la chef du gouvernement et M. JOHNSON son secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères.
Le 29 mars 2017, en vertu de l'article 50 du Traité sur l'Union européenne, le gouvernement britannique a notifié aux autres Etats membres son souhait de quitter l'Union. Une période de deux ans qui courait jusqu'au 29 mars 2019 s'était alors ouverte afin de négocier un retrait ordonné du Royaume-Uni. L'Union européenne a nommé M. Michel BARNIER, ancien commissaire européen et ministre français en tant que négociateur en chef pour représenter l'Union européenne. Les équipes de M. BARNIER et de Mme MAY ont âprement négocié un accord. La campagne du Brexit ayant été principalement axée sur la sortie ou non, et non pas sur les modalités de la sortie, les conservateurs se sont retrouvés divisés sur la voie à suivre, certains souhaitant une relation étroite avec l'Union européenne quand d'autres préféraient une rupture nette avec leurs anciens partenaires européens.
En novembre 2018, soit moins de quatre mois avant la sortie prévue du Royaume-Uni, le gouvernement britannique de Theresa MAY et les européens se sont accordés sur un projet d'accord pour la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Aucun accord sur les relations futures n'était en revanche prêt, les européens ayant conditionné ce second accord à l'adoption du premier. Cependant, la Parlement britannique a rejeté l'accord présenté par la Premier ministre (par trois fois) sans qu'aucune autre solution ne soit adoptée par les députés britanniques. La question de la frontière irlandaise cristallise les tensions. En effet, quitter l'Union européenne revient de facto à ré-installer une frontière entre la République d'Irlande et l'Irlande du Nord qui appartient au Royaume-Uni, et fragiliserait l'accord de paix signé en 1998 après trente années de conflits entre unionistes et nationalistes en Irlande du Nord. Les européens ont proposé un « backstop », ou « filet de sécurité » entre l'Irlande du Nord et la Grande Bretagne qui permet de conserver la frontière ouverte. Il s'agit d'une solution temporaire en attendant qu'un accord sur la relation future entre l'Union européenne et le Royaume-Uni ne soit adopté. La libre circulation des personnes et des biens serait conservée en Irlande du Nord qui continuerait à respecter l'ensemble des normes européennes. Les contrôles seraient alors déplacés entre l'Irlande du nord et le reste du Royaume-Uni. De nombreux parlementaires parlementaires britanniques se sont opposés à ce backstop, qui est une condition sine qua non des européens, de telle sorte que l'accord a été refusé à trois par Westminster.
Pour éviter un no-deal (une sortie sans accord de retrait), les chefs d'Etats et de gouvernements ont initialement accordé une extension au Royaume-Uni jusqu'au 12 avril ou 22 mai 2019. Le Parlement britannique a cependant refusé toutes les alternatives envisageables le 1er avril. Le Conseil européen a alors accepté une nouvelle fois, le 11 avril, de reporter la sortie du Royaume-Uni jusqu'au 31 octobre, date à laquelle le mandat de la Commission Juncker prend fin et où le nouveau collège des commissaires prendra ses fonctions. Il s'agit d'une extension flexible, en ce sens que le Royaume-Uni peut partir avant si un accord est trouvé. Les européens auraient souhaité qu'un accord soit trouvé avant le 22 mai pour que les britanniques ne soient pas contraints d'organiser des élections européennes.
Néanmoins, le Royaume-Uni étant toujours membre de l'Union européenne à la date du scrutin européen, les électeurs britanniques ont dû se rendre aux urnes pour nommer leurs 73 représentants au Parlement européen. Ces 73 sièges ont également été distribués entre les 27 autres Etats membres où des députés européens ont été élus et rejoindront le Parlement européen après le départ du Royaume-Uni. La liste conduite par le député européen M.Nigel FARAGE, fervent partisan du Brexit, est arrivé en tête du scrutin avec 30,74 % des voix (29 sièges), loin devant les 8,84 % (4 sièges) du parti conservateur de Mme MAY.
Face à cette déconvenue, la Premier ministre a annoncé le lendemain son départ de la présidence du parti conservateur et du 10 Downing Street. Sur les dix candidats à la présidence du parti, et de facto au poste de Premier ministre, huit ont déjà été éliminés par des votes successifs des parlementaires conservateurs. Les 160 000 membres du parti conservateurs seront donc appelé à choisir le 23 juillet prochain entre M. Jeremy HUNT, actuel secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, et son prédécesseur et favori dans cette élection, M. Boris JOHNSON. Lors des élections internes, l'ancien leader de la campagne pour la sortie du Royaume-Uni avait largement battu M. HUNT par 160 voix contre 77. Néanmoins, de nombreux britanniques reprochent à l'ancien maire de Londres ses mensonges lors de la campagne pour le Brexit ainsi que pour son excentricité, d'autant plus qu'une récente altercation avec sa compagne fait la une des journaux britanniques, laissant le doute sur sa capacité à assurer la fonction de Premier ministre.
M.Boris JOHSON a invité son concurrent à respecter la date du 31 octobre 2019 pour la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, qu'importe l'état des négociations avec les européens. Les hypothèses restent donc nombreuses sur l'issue de cette très complexe négociation.
Une seule chose est certaine à ce jour : l'irritation des dirigeants de l'Union européenne. M. Donald TUSK, le président du Conseil européen s'est récemment publiquement agacé de la perte de temps des conservateurs alors qu'un délais de six mois a déjà été accordé jusqu'au 31 octobre. Il en a profité pour rappeler que l'accord de retrait conclu en novembre 2018 par Mme MAY et M. BARNIER était le seul sur lequel les européens pourraient s'accorder. Le Premier ministre irlandais, M. Leo VARADKAR a quant à lui rappelé l'hostilité des européens à accorder un nouveau report aux britanniques, d'autant plus que cela obligerait les européens à nommer un commissaire choisi par Londres dans le collège des commissaires. Seuls des élections générales ou un second référendum pourraient selon lui faire évoluer la position des européens.