Au terme d'une saga institutionnelle pleine de rebondissements, la proposition de directive européenne sur le droit d'auteur a finalement fait l'objet d'un compromis lors d'un ultime trilogue le 13 février dernier.
L'accord provisoire doit maintenant être confirmé par les États membres et le Parlement européen. Il sera voté au Conseil avant la fin du mois de février. Au Parlement, la commission parlementaire compétente s'est prononcée en faveur de l'accord provisoire le 27 février tandis que le Parlement réunit en session plénière prendra position en mars ou en avril prochain.
Si le texte est définitivement adopté, les États membres auront deux ans, après sa publication au journal officiel de l'UE, pour le transposer dans leur droit national. Il sera ainsi effectif au plus tard en 2021.
L'accord informel reprend les propositions les plus controversées du texte et notamment :
- L'article 11 qui met en place un droit voisin pour les éditeurs de presse.
- L'article 13 qui oblige les plateformes à créer des filtres automatiques du contenu mis en ligne par les utilisateurs ne respectant pas le droit d'auteur.
Le droit voisin
Le droit voisin mis en place par l'article 11 a vocation à obliger les plateformes à passer des accords de licence avec les titulaires de droits et de filtrer le contenu qui n'aurait pas fait l'objet d'un accord.
Cet article a pour objectif d'améliorer la rémunération des médias pour les articles que les plateformes utilisent en renforçant ainsi la position de négociation des éditeurs de presse avec les plateformes. Les droits sur les articles ainsi négociés seront dès lors protégés pour une durée deux ans. Les éditeurs de presse pourront également renoncer à ce droit voisin. L'article est également assorti d'une clause prévoyant que les revenus issus du droit voisin devront être partagés avec les journalistes.
Ce droit voisin ne s'appliquera toutefois pas au simple partage entre internautes d'hyperliens, les "mots isolés ou "les très courts extraits" d'articles apparaissant dans les moteurs de recherche, agrégateurs d'information ou réseaux sociaux. Ceux-ci ne seront pas affectés par le droit d'auteur pour les plateformes.
Toutefois, ces "très courts extraits" d'articles n'ont pas été définis avec précision par la proposition de directive. Cela laissera une marge d'appréciation aux États membres dans leur mise en oeuvre de la directive avec, dès lors, le risque d'une interprétation différente selon les États membres.
L'obligation de filtrage automatique
L'obligation de filtrage automatique des contenus mise en place par l'article 13 donne une responsabilité aux intermédiaires sur le contenu publié sur leur plateforme. Il a en effet vocation a forcer les plateformes existantes depuis plus de trois et ayant plus de cinq millions d'usagers mensuels à mettre en place des dispositifs filtrant les contenus mis en ligne par les usagers et protégés par le droit d'auteur.
Les marques à but non lucratif comme Wikipedia ainsi que les plateformes en open source telle que GitHub pourront, elles, continuer à utiliser ces contenus protégés par le droit d'auteur à des fins de recherche et d'éducation.
Les réactions
A l'instar des réactions exprimées tout au long des négociations institutionnelles, les représentants des médias et des organismes de presse se sont réjouis de l'accord tandis que les plateformes (Google, Twitter, Facebook notamment) ont exprimées leur opposition. L'association européenne des consommateurs a également exprimé sa déception vis à vis du texte. Elle estime en effet que celui ci va rendre la pratique du net plus difficile pour les utilisateurs.
Les réactions au sein du Parlement européen sont tout aussi vives, Virginie Rozière (S&D, France) dénonçant le lobbying des GAFA dans ce dossier tandis que Julia Reda (Verts/ALE, Allemagne) met en garde contre des mesures minant la liberté d'expression ainsi que sur la procédure d'adoption accélérée du texte.
Nos articles sur les étapes précédentes de cette procédure législative :