UE-Inde : Vers un accord de libre-échange et un partenariat stratégique renforcé

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L’UE est actuellement le premier partenaire commercial de l’Inde, avec des échanges de marchandises s’élevant à 124 milliards d’euros en 2023, représentant environ 12 % du commerce total de l’Inde. Le renforcement des liens entre Bruxelles et New Delhi répond à une double stratégie : diversification des partenariats commerciaux et sécuritaires face aux tensions avec Washington et Pékin. En parallèle des négociations sur l’accord de libre-échange, l’UE et l’Inde explorent un partenariat élargi en matière de sécurité et de défense.

 

Un partenariat stratégique qui s'inscrit dans une dynamique récente

Les relations entre l'Inde et l'UE se sont considérablement renforcées ces dernières années, touchant des domaines variés comme le commerce, la sécurité, l’environnement et la connectivité. En 2021, un partenariat sur la connectivité a été signé, visant à développer les infrastructures de transport, d’énergie et du numérique en Inde et dans la région indo-pacifique, où New Delhi joue un rôle clé face à la montée en puissance de la Chine. Un Conseil du commerce et des technologies (CCT) entre l'Union européenne et l'Inde a également été inauguré en avril 2022, une plateforme stratégique pour renforcer la coopération et coordonner les approches entre les deux partenaires. Ainsi, la deuxième réunion ministérielle du CCT se tiendra à l'occasion de cette visite. 

Les négociations pour un accord de libre-échange, relancées en 2022, peinent toutefois à avancer, notamment en raison de divergences sur les normes agricoles et environnementales. L’UE souhaite notamment une baisse des droits de douane pour faciliter l’accès de ses exportations vers l’Inde, notamment dans les secteurs automobile et agroalimentaire. De son côté, l’Inde souhaite un accès facilité pour ses professionnels et des avantages concurrentiels pour ses principales exportations vers l’UE : textile, acier, produits pétroliers et pharmaceutiques.

 

Un équilibre géopolitique en jeu

La visite de la Commission européenne vise avant tout à « préparer le terrain » pour un nouvel agenda stratégique, succédant à la feuille de route 2020-2025 du partenariat UE-Inde. La dimension géopolitique de cette coopération n’est pas à négliger. L’UE voit en l’Inde un partenaire clé pour équilibrer son positionnement face aux grandes puissances. Cette volonté est partagée par New Delhi, qui cherche à se diversifier dans un contexte d’incertitude croissante sur la politique étrangère américaine. « L’Inde est préoccupée par l’imprévisibilité des politiques américaines. Un rapprochement avec l’Europe pourrait lui offrir un levier stratégique supplémentaire », analyse James Crabtree, membre du European Council on Foreign Relations (ECFR).

Un accord avec l’Inde permettrait d’accroître les importations de biens essentiels, comme les avions, les machines électriques ou encore les produits chimiques et pharmaceutiques. Cependant, les responsables européens insistent sur le fait qu’il sera impossible de remplacer les échanges avec Pékin par des échanges avec l’Inde, car les marchandises concernées ne sont pas les mêmes.

 

La Russie, un sujet épineux parmi d’autres

Si les discussions UE-Inde portent sur un large éventail de sujets, la question des relations avec la Russie demeure un sujet sensible. Depuis l’invasion de l’Ukraine, l’Inde a maintenu une position ambiguë en refusant de condamner Moscou et en continuant d’acheter du pétrole russe à prix réduit. New Delhi a également joué un rôle dans la transformation du pétrole brut russe en produits raffinés destinés au marché mondial.

Les Européens souhaitent aborder la question du respect des sanctions par l’Inde, mais évitent de faire du pétrole russe un point central des discussions. En revanche, les importations d’armements russes pourraient être davantage scrutées, selon des sources diplomatiques. (Le matériel russe constituait 65 % des achats militaires de l’Inde au cours des deux dernières décennies.)

L’agriculture reste également un point de friction majeur. Le ministre indien du Commerce, Piyush Goyal, a déjà déclaré qu’un accord ne serait pas envisageable si l’UE insistait pour obtenir un accès au secteur laitier indien, et ne révisait pas ses normes « irrationnelles » en matière d’agriculture et de protection de l’environnement.

Face à ces blocages, certains États membres de l’UE envisagent un accord moins ambitieux, axé sur la coopération technologique et industrielle, afin de permettre aux entreprises européennes de profiter du dynamisme économique indien.

 

Une relation en construction

Malgré les défis, la Commission européenne considère les relations avec l’Inde comme une « priorité stratégique ». Les discussions en cours visent à approfondir la coopération et à définir un cadre commun pour les années à venir. Si les négociations commerciales peinent à avancer, le rapprochement entre les deux partenaires pourrait néanmoins se concrétiser sur d’autres volets, notamment en matière de connectivité, d’innovation technologique et de défense.

Les dirigeants des deux parties avaient déclaré avec optimisme que l’objectif était de parvenir à un accord avant que les électeurs en Inde et dans l’UE ne se rendent aux urnes en 2024. Force est de constater que ce n'est pas le cas… Le prochain cycle de discussions est prévu du 10 au 14 mars 2025 à Bruxelles.

 

Pour plus d'informations :

Voir la page de la Commission européenne

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