L’Institut syndical européen alerte sur les risques pour les travailleurs face à la canicule

In Actualité de l'Union européenne, Affaires sociales, Santé by Samuel Touron

Alors qu'une partie de l'Europe de l'ouest s'apprête à traverser un nouvel épisode caniculaire, l'Institut syndical européen (ETUI) s'alarme dans un récent rapport de l'absence de réponse apportée par les pouvoirs publics quant aux effets dévastateurs de la chaleur sur la santé des travailleurs, particulièrement en période de canicule. 

Alors que les épisodes de chaleur se multiplient et que leur fréquence devrait doubler d'ici à 2050 par rapport à aujourd'hui, le droit du travail en France et la réglementation européenne peinent à faire évoluer le droit du travail et à limiter les risques pour les travailleurs en période de forte chaleur. Pourtant, la hausse des températures a des effets délétères sur la santé, la sécurité, le bien-être et la productivité des travailleurs. Selon l'Organisation internationale du travail (OIT), les pertes économiques liées au stress thermique au travail représenteront 2 400 milliards d'euros en 2030. Le bâtiment et les travaux publics (BTP), secteur particulièrement concerné par les effets de la chaleur sur le travail, pourrait faire face à des pertes économiques conséquentes en raison de l'impossibilité de travailler efficacement durant des périodes de canicule et, surtout, pourrait se retrouver confronter à des drames humains de plus en plus fréquents. Le secteur compte déjà 1 accident grave toutes les 5 minutes et 1 décès par jour travaillé en moyenne chaque année, ces chiffres dramatiquement élevés pourraient donc s'aggraver encore.

L'inaction des employeurs

En France, alors que le terme "canicule" n'a jamais été autant prononcé dans la sphère médiatique et politique, le droit du travail ne donne pas de définition de la "canicule" et ne fixe donc pas de température maximale à partir de laquelle un salarié peut exercer son droit de retrait. Libre-appréciation est laissée à l'employeur d'adapter ou non l'environnement de travail de ses employés. Seule contrainte légale pour l'employeur : évaluer les risques liés aux ambiances thermiques et adopter les mesures de prévention permettant d’assurer la santé et la sécurité des salariés et les reporter dans un « document unique d’évaluation des risques ». Un certain nombre de mesures générales peuvent alors s'imposer comme la ventilation des pièces, la mise à disposition d'eau fraîche et la mise en place d'un local pour les travailleurs dont l'activité se déroule à l'extérieur. Néanmoins, comme le pointe l'Institut syndical européen (ETUI), ces mesures sont peu souvent mises en œuvre.

Une augmentation des accidents et des décès

Le rapport de l'ETUI est clair : "À l'heure actuelle, de nombreux travailleurs souffrent de l'inaction des employeurs tandis que les autorités ont tendance à continuer de fermer les yeux sur l'exposition extrême pendant les vagues de chaleur". Or, cette inaction politique conduit à un laisser-faire des employeurs ce qui se traduit par une augmentation des risques d'accidents et de décès liés aux fortes chaleurs. En outre, le rapport indique que lorsque la température dépasse 38 degrés, le risque de blessure augmente de 10 à 15%. Cette température est régulièrement dépassée dans les départements occitans durant la saison estivale. La commune héraultaise de Vérargues détient d'ailleurs le record de France métropolitaine de la température la plus élevée avec 46 degrés relevés le 28 juin 2019.

Durant les mois d'été, les travailleurs en extérieur sont ainsi soumis à un risque très élevé de déshydratation et d'évanouissement. Ces évanouissements, dans des secteurs comme le BTP donnent lieu à des chutes dont l'issue est très souvent dramatique. Les malaises, pertes de connaissances et arrêts cardio-respiratoires sont l'autre conséquence du stress thermique sur les organismes. La fatigue induite par la chaleur et des nuits chaudes, consécutivement plus courtes, favorise aussi les risques de blessure et les maladresses pouvant entraîner un drame.

Une liste de recommandations

Afin de palier au manque de volontarisme politique, l'ETUI a adressé dans son rapport, une série de recommandations pour limiter les effets de la chaleur sur les conditions de travail des employés. Le rapport préconise ainsi d'obliger les employeurs à préparer un plan d'action prenant en compte tout degré de chaleur et des mesures adaptées en fonction des différents postes de travail. Il demande également la création de guides sectoriels, pour chaque catégorie socio-professionnelle avec des mesures préventives adaptées pour limiter les effets de la chaleur. Enfin, il souhaite que les pouvoirs publics mettent en place un système d'alerte en cas de canicule à destination de la population active afin de permettre aux travailleurs d'être le moins exposé possible à la chaleur. Le rapport, dans son ensemble, décrit le fait que même des mesures préventives aussi simples que la mise en place de lieux de rafraichissements, de douches, de temps de repos et de pauses régulières, ne sont pas réalisées, montrant l'importance des efforts à fournir dans la protection des travailleurs lors de fortes chaleurs.


Plus d'informations :

Lire le rapport de l'ETUI 

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