La députée européenne Sylvie Brunet (Renew Europe, France) a présenté lundi 13 septembre son rapport sur les travailleurs de plateformes lors de la première journée de la plénière du Parlement européen à Strasbourg, qui a été adopté le 15 septembre par les députés européens. L’adoption de ce rapport parlementaire augmente la pression sur les plateformes numériques. En effet, le même jour, un juge néerlandais a considéré que les chauffeurs Uber devaient être considérés comme des salariés et non pas comme des travailleurs indépendants. Des juges français et espagnols étaient déjà allés récemment dans le même sens. En outre, la Confédération européenne des syndicats (CES) a adopté le 9 septembre une résolution insistant sur la nécessite d’adopter une directive ambitieuse sur les travailleurs de plateformes fondée sur l’article 153§2 du Traité sur le fonctionnement de l’UE. La Confédération européenne des syndicats plaide pour une présomption de relation de travail entre le travailleur et la plateforme, avec un renversement de la charge de la preuve du travailleur vers l’employeur.
Le rapport comporte sept axes principaux :
- Un accès renforcé à la protection sociale : les travailleurs des plateformes, quel que soit leur statut, doivent pouvoir bénéficier d’un socle commun de protection sociale, notamment en matière d’assurance maladie et de protection contre les accidents du travail ;
- Des conditions de travail améliorées, justes et transparentes : le rapport prévoit l’interdiction des clauses d’exclusivité, le droit de recours en cas de suspension de compte, l’accès aux données et plus de portabilité d’une plateforme à une autre. Les travailleurs doivent également avoir un droit de recours en cas de suspension de compte par la plateforme.
- Plus de sécurité juridique pour les travailleurs et les plateformes : une présomption réfragable d’une relation de travail encadrée devrait s’appliquer aux travailleurs qui contestent leur statut lors d’une procédure. Cela signifie que la plateforme aura la responsabilité de prouver qu’il n’existe pas de relation de travail entre le travailleur et la plateforme. Cette présomption ne considérera pas pour autant automatiquement tous les travailleurs de plateformes comme des salariés. Les travailleurs véritablement indépendants le resteront. Ce mécanisme garantira des conditions de concurrence équitables avec les entreprises traditionnelles.
- Un lieu de travail sain et sûr : les travailleurs des plateformes sur site doivent être équipés d’équipements personnels de protection adéquats, et être couverts par une assurance contre les accidents lorsqu’ils travaillent dans les transports et la livraison. Ils doivent pouvoir se déconnecter de la plateforme sans subir de conséquences négatives. Le rapport invite également à la mise en place de mécanismes de signalement du harcèlement, pour les travailleurs et utilisateurs.
- Représentation collective : les travailleurs des plateformes, mêmes indépendants, doivent pouvoir s’organiser et négocier collectivement. Le rapport invite la Commission à rappeler que les travailleurs des plateformes peuvent se syndiquer.
- Développement des compétences : les travailleurs des plateformes, en particulier les moins qualifiés, devraient accéder à des formations permettant d’améliorer leur employabilité
- Une gestion algorithmique transparente, non discriminatoire et éthique : les informations principales sur les conditions de travail doivent être expliquées de manière intelligible et faire partie d’un dialogue social. La gestion algorithmique doit être gérée par des humains.
Le commissaire européen à l'Emploi, aux Affaires sociales et à l'Insertion, M. Nicolas Schmit, a accueilli favorablement le rapport lors de la plénière du Parlement européen et a indiqué que la Commission européenne présentera une initiative législative avant la fin de l’année qui s’inscrira dans la lignée des travaux du Parlement européen. La Commission entend donner un cadre à l’économie des plateformes et équilibre le cadre juridique entre ces plateformes et l’économie traditionnelle. La proposition de la Commission insistera sur le contrôle humain des algorithmes et reprendra le principe du renversement de la charge de la preuve en matière de relation de travail.