Le 10 avril dernier, les députés européens réunis en plénière ont adopté une position commune sur les dix textes constitutifs du 'Pacte Asile et Migration'.
Un vote très attendu
Certains textes étaient en discussion depuis 2016. Après des années d'incertitude et de désaccords profonds, et tandis que le flou régnait encore jusqu'à la dernière minute, les eurodéputés ont adopté dix textes qui réforment la politique européenne de gestion de la migration et de l'asile.
Parmi les textes les plus marquants, nous pouvons citer les règlements sur la gestion de l'asile et de la migration, la relocalisation volontaire, la procédure de retour à la frontière, les situations de crises, le "filtrage" des ressortissants de pays tiers aux frontières extérieures, ou encore la réforme d'Eurodac, la base de données dactyloscopiques de l'UE.
Une solidarité approfondie mais insuffisante
La solidarité entre les Etats s'est imposée comme un sujet phare dans les discussions sur le Pacte. Les pays européens d'arrivée des migrants, l'Italie, l'Espagne, la Grèce, Malte et Chypre, réclamaient depuis plusieurs années, en particulier depuis la crise migratoire de 2015, davantage de solidarité. Restait à déterminer sous quelle(s) forme(s).
Après d'âpres négociations, les leaders européens se sont mis d'accord pour laisser aux Etats le choix entre trois formes de solidarité en cas de forte pression migratoire sur les pays de première entrée : les relocalisations (jusqu’à 30 000 personnes par an), des aides financières (d'un montant de 20 000 euros par demandeur d’asile non relocalisé) ou un soutien opérationnel. Les pays concernés par un afflux de migrants importants pourront également fermer temporairement des points de passage officiels.
Ainsi, le règlement relatif à la gestion de l’asile et de la migration, qui prévoit ces trois formes de solidarité, réforme le règlement Dublin III en vigueur depuis 2013, mais sans toucher au critère selon lequel les demandes d'asile doivent être traitées par le premier pays d'arrivée.
Entre réaction aux situations de crise et durcissement des contrôles aux frontières
"L’Europe reprend le contrôle de ses frontières extérieures". Ces mots du rapporteur du règlement sur la gestion de l'asile et de la migration Tomas Tobé (PPE) résume la logique centrale du Pacte. En effet, en échange des mécanismes de solidarité, les pays de première arrivée seront chargées de renforcer les contrôles contre l'immigration illégale en mettant en place des dispositifs de vérifications d'une durée autorisée de 7 jours, période durant laquelle les personnes peuvent être mises en rétention.
Le règlement sur la mise en place d'une procédure de retour à la frontière permet aux autorités nationales d'avoir recours à des procédures d'examen des demandes d'asile accélérées si elles jugent que la demande a de faibles chances d'aboutir. De plus, en situation de crise, les Etats seront autorisés d'allonger les procédures d'enregistrement des demandes d'asile.
Le règlement relatif aux situations de crise traite également le problème de l’instrumentalisation des migrants. En effet, certains pays tiers ou des acteurs non étatiques utilisent les migrants pour déstabiliser l'UE. Par exemple, à l'automne 2021, le Conseil européen a dénoncé une instrumentalisation des migrants aux frontières de la Pologne par le régime biélorusse.
Un Pacte controversé
Afin de s'assurer du respect des droits fondamentaux, les pays seront tenus d'instaurer des mécanismes de contrôle indépendants. Cependant, des eurodéputés regrettent l'adoption de textes hostiles aux migrants. La députée Saskia Bricmont (Verts/ALE, belge) dénonce la consécration d'une "Europe forteresse" et une cinquantaine d'ONG ont écrit une lettre ouverte pour alerter sur le risque d'atteintes répétées aux droits humains. Elles dénoncent par exemple un "recours arbitraire à la détention des migrants, y compris pour les enfants et les familles" et jugent nécessaire une réorientation des fonds vers des mesures de protection et d’assistance plutôt que vers davantage de surveillance et de contrôle.
Malgré ces multiples réserves, des députés ont souligné la nécessité de trouver un accord, même s'il n'est pas optimal. Sophie in’t Veld (Renew Europe, néerlandaise), a ainsi déclaré « Il n’y aura rien à la place, si on le rejette », avant d'insister sur l'importance d'avoir voté les textes avant les prochaines élections européennes, qui peuvent déboucher sur une victoire de l'extrême droite.
Dorénavant, les dix textes doivent être officiellement approuvés par le Conseil.
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- Communiqué de presse du Parlement européen