La Loi sur la restauration de la biodiversité adoptée de justesse par le Parlement européen

In Actualité de la Représentation d’Occitanie Europe, Énergie - Environnement - Climat by Camille

Le 12 juillet dernier, les députés européens réunis en session plénière adoptaient à une mince majorité la Loi sur la restauration de la nature. Avec 336 pour, 300 voix contre et 13 abstentions, ce texte phare du Pacte vert européen aura suscité beaucoup de débats au cours des derniers mois, que ce soit au sein du Parlement ou du Conseil de l’UE. Retour sur le chemin d’une proposition législative clivante.

 

La réponse de la Commission européenne à une biodiversité sérieusement dégradée

Partant du constat que 80 % des habitats européens et 70 % des sols seraient aujourd’hui en mauvais état, la Commission européenne a dévoilé le 22 juin 2022 une proposition de règlement sur la restauration de la nature. S’inscrivant dans le cadre du Pacte vert européen, celle-ci vise ainsi non seulement à contribuer à la réalisation des objectifs climatiques et environnementaux de l’UE mais aussi à accompagner et encourager la restauration, sur le long terme, de la nature endommagée, que ce soit en milieux terrestres comme dans les zones marines. Elle constitue ainsi une réponse directe à l'engagement pris par l'Europe dans le cadre de la stratégie en faveur de la biodiversité à l'horizon 2030.

La loi proposée par la Commission distingue restauration et protection de la nature, deux stratégies n’impliquant pas les mêmes actions et ne débouchant pas sur le même type de mesures, notamment concernant les zones protégées. L’objectif affiché par la Commission avec ce nouveau règlement est de soutenir et encourager les expériences de renaturation, de replantation d’arbres, de verdissement et de dépollution de tous les écosystèmes, y compris urbains et agricoles. Il ne s’agit donc pas d’augmenter le nombre ou de se limiter aux zones protégées telles que les sites Natura 2000 mais bien de mettre en place des mesures favorables à la restauration et à la préservation de la biodiversité et de la nature sur le long terme, adaptées à chaque type d’écosystème et sans nuire à leur activité économique

La loi dite “de restauration de la nature” proposée par la Commission fixe ainsi une série d’objectifs juridiquement contraignants pour la restauration des écosystèmes naturels (forêts, mers, eaux douces) mais aussi artificiels (terres agricoles, zones urbaines) : 

  • Inversement du déclin des populations de pollinisateurs d'ici à 2030 puis accroissement de leurs populations ;
  • Aucune perte nette d'espaces verts urbains d'ici à 2030, une augmentation de 5 % d'ici à 2050, un minimum de 10 % de couvert arboré dans chaque agglomération, ville et banlieue d'Europe, et un gain net d'espaces verts qui seront intégrés dans les bâtiments et les infrastructures ;
  • Dans les écosystèmes agricoles, augmentation globale de la biodiversité et évolution positive pour les papillons de prairies, les oiseaux des milieux agricoles, le carbone organique dans les sols minéraux sous les terres cultivées et les particularités topographiques à haute diversité biologique sur les terres agricoles ;
  • Restauration et remise en eau des tourbières drainées utilisées à des fins agricoles et dans les sites d'extraction de tourbe ;
  • Dans les écosystèmes forestiers, augmentation globale de la biodiversité et évolution positive de la connectivité forestière, du bois mort, de la part des forêts inéquiennes, des oiseaux des milieux forestiers et des stocks de carbone organique ;
  • Restauration des habitats marins tels que les prairies sous-marines ou les sédiments, et restaurer les habitats d'espèces marines emblématiques telles que les dauphins et les marsouins, les requins et les oiseaux de mer ;
  • Suppression des obstacles présents sur les cours d'eau de manière à transformer au moins 25 000 km de cours d'eau en cours d'eau à courant libre d'ici à 2030.

La proposition de la Commission fixe également une première ligne d’horizon pour la restauration d’au moins 20% des zones terrestres et marines de l’UE d’ici 2030, un calendrier étendu à 2050 pour l’ensemble des écosystèmes concernées par la loi. Les écosystèmes au plus fort potentiel d’élimination / stockage du carbone et de prévention / réduction des risques de catastrophes naturelles seront ciblés en priorité. Concrètement, cette loi dotée d’un budget de 100 milliards d’euros, prendrait forme via des plans nationaux de restauration conçus par les Etats membres en collaboration avec l’ensemble des parties prenantes, les milieux scientifiques et universitaires mais aussi la société civile

 

Le Conseil de l’UE s'accorde pour plus de flexibilité

Examinée par les ministres de l’Environnement des Etats membres de l’UE durant de longs mois, la proposition de la Commission a finalement fait l’objet d’un accord le 20 juin 2023. Au cœur des discussions entre Etats membres, la nécessité de flexibiliser les conditions d’application de cette loi, en prenant en compte les spécificités de chaque pays et des différents milieux concernés. Le Conseil s’est notamment accordé sur les changements suivants : 

  • Concernant l’obligation de restauration, le Conseil s’est positionné en faveur d’une approche globale de l’ensemble des habitats concernés, plutôt qu’à la mise en place d’un seuil par habitat. Par ailleurs, les Etats membres ont également convenu d’exclure les sédiments mous présents dans certaines zones marines des objectifs à horizon 2030 ;
  • Les mesures de restauration ne s’appliqueront qu’aux zones dont l’état est connu, les Etats membres devront ainsi mettre en place les mesures nécessaires pour déterminer l’état d’au moins 90% des habitats terrestres et de 50% des habitats marins d’ici 2030 ;
  •  L’assouplissement de certaines obligations, notamment celles concernant les tourbières, l’utilisation des indicateurs de surveillance des écosystèmes forestiers ou encore concernant les mesures liées aux écosystèmes agricoles ;
  • La révision du calendrier des plans nationaux, remplaçant une étape unique à horizon 2050 par un processus progressif en trois étapes. Les Etats membres auraient ainsi deux ans après l’adoption de loi pour soumettre un premier plan à horizon 2032, puis devraient proposer avant juin 2032 un plan à horizon 2042, et enfin d’ici juin 2042 un un plan à horizon 2050 ;
  • L’ajout d’un nouvel article consacrant l’intérêt supérieur de la construction et l’exploitation de systèmes de production d’énergie renouvelable, et actant donc la possibilité de dérogation aux impératifs d’amélioration continue et de non-détérioration définis par la proposition de la Commission

 

Un Parlement européen divisé jusqu'à la dernière minute

Un texte d’abord rejeté en commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire

Entre les 15 et 27  juin 2023, les eurodéputés ont amendé puis procédé au vote de la Loi de restauration de la nature en commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire. A l’issue des débats, la commission a finalement rejeté la proposition de loi amendée, avec 44 votes pour et 44 votes contre. 

 

Une adoption in extremis en session plénière

C’est ainsi en session plénière que les députés ont adopté à une mince majorité la loi le mardi 10 juillet 2023. Très controversé au sein du Parlement, le texte a d’abord fait l’objet d’une motion de rejet, rejetée par les eurodéputés qui ont ensuite adopté la loi avec une majorité établie par seulement 336 voix. 

Vent debout contre cette proposition de loi, le Parti populaire européen menait l’opposition de l'aile droite de l'hémicycle, également composée d’une partie des députés du groupe Renew (ou Renaissance), contre un texte perçu comme une menace pour la sécurité alimentaire de l’UE, qui fragiliserait l’agriculture et la pêche européennes

Le Parlement a ainsi finalement affiché son soutien à une loi jugée essentielle dans la lutte contre les effets du changement climatique et ouvert la voie aux négociations interinstitutionnelles (ou trilogues) avec le Conseil de l’UE et la Commission européenne.

 


Plus d'informations 

Communiqué de presse de la Commission européenne sur la proposition de loi de restauration de la nature

Page du Conseil de l'UE sur la Loi de restauration de la nature

Communiqué de presse du Parlement européen sur le vote en session plénière

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