La Commission européenne a amendé, le 16 avril dernier, le règlement instituant une procédure commune en matière d'asile adopté en 2024 pour créer une première liste commune de pays tiers d’origine sûrs et accélérer certains éléments de la réforme du Pacte sur la migration et l’asile qui devaient s'appliquer officiellement qu'à la mi-2026.
Les amendements prévoient notamment l’application anticipée de la règle consistant à traiter en procédure d’asile accélérée toutes les personnes ressortissantes de pays tiers dont le taux de reconnaissance positif de l’asile se situe en deçà de 20 % dans toute l’UE.
Il s'agit également d'avancer les éléments permettant aux États membres de désigner dès à présent des pays tiers sûrs (pays de transit de migrants) et des pays d'origine sûrs assortis d'exceptions pour « une plus grande souplesse dans la définition du champ d'application des évaluations de la sécurité, en excluant des régions spécifiques ou des catégories d'individus clairement identifiables », justifie la Commission.
Publication d’une liste des pays tiers d’origine sûrs
La Commission a publié une première liste commune de pays tiers d’origine sûrs.
La Tunisie, le Maroc, l’Égypte, l’Inde, le Bangladesh, la Colombie et le Kosovo figurent sur cette liste. Ces pays sont déjà présents sur des listes nationales des pays membres désignant leurs pays tiers d’origine sûrs. En effet, il n’existe pas encore de liste commune à l’échelle européenne, ce qui peut encourager les demandeurs d’asile à se rendre dans un pays d’accueil disposant de critères plus flexibles plutôt qu’un autre. A ce stade, cinq pays membres, tels que l’Espagne, n’ont cependant pas encore reconnu le Kosovo.
La Commission considère également tous les pays candidats officiels à l’UE, notamment les cinq pays des Balkans occidentaux ainsi que la Turquie, mais aussi la Géorgie ou la Moldavie, comme pays d’origine sûrs.
Toutefois, les pays en guerre – comme l’Ukraine – soumis à des sanctions de l’UE ou dont le taux d’acceptation des demandes d’asile est supérieur à 20 % en sont exclus.
La Commission a présenté la liste comme étant dynamique, avec des ajouts ou retraits potentiels de pays en fonction de la situation.
Cette liste commune s’appliquera dans l’ensemble de l’Union, même si les Etats membres peuvent encore élargir leur liste nationale. La Commission entend inciter les États membres à appliquer des procédures accélérées de moins de trois mois pour les ressortissants de ces sept pays et des pays candidats à l'UE.
Toutefois, les Etats membres pourront toujours contester la procédure accélérée. Le principe de l’examen individuel obligatoire reste également inchangé, des ressortissants de ces pays sûrs pouvant donc toujours obtenir l’asile dans l’UE, si leur cas le justifie.
Le choix critiqué d’inclure l’Egypte et la Tunisie dans la liste
Dans sa proposition, la Commission explique notamment les raisons pour lesquelles l’Égypte ou la Tunisie sont considérés comme des pays d’origine sûrs, malgré les violations des droits de l’homme constatées par plusieurs ONG dans ces pays.
Pour l’Égypte, reprise sur la liste de six pays membres et ayant moins de 4% de taux de reconnaissance de l’asile, la Commission considère qu’il n'existe pas en général de risques de persécutions ou de mauvais traitements.
La Commission précise toutefois que « les défis en matière de droits de l'homme en Égypte restent importants, notamment en ce qui concerne la protection des libertés fondamentales, la gouvernance et l'État de droit. Toutefois, ces dernières années, les politiques égyptiennes ont mis en œuvre des mesures mettant davantage l'accent sur l'importance du respect des droits de l'homme. L'Égypte a intensifié son engagement en matière de droits de l'homme auprès de l'UE ».
Pour la Tunisie, désignée actuellement par dix pays membres comme un pays d’origine sûr, il n’existe pas non plus en général de risques de persécution ou de mauvais traitements, dit la Commission. Si elle reconnaît que des activistes politiques, des opposants ou des journalistes peuvent être oppressés et arrêtés, ces actes n'atteignent pas un niveau permettant de parler d'une situation de « répression systématique à grande échelle ».
La Commission présentera la liste le 24 avril en groupe de travail « Asile » du Conseil de l'UE. Une liste du même type avait été présenté par la Commission en 2015. Mais cette proposition avait été finalement abandonnée en raison de désaccords sur l’inclusion ou non de la Turquie dans la liste, au vu de son bilan mitigé en matière de démocratie et de droits de l’homme.
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