Par delà ses terribles conséquences humaines, sanitaires et économiques, l’épidémie de Covid-19 semble aussi venir affecter la mise en œuvre du Green Deal européen et les ambitions climatiques de l’Union européenne.
Un impact positif sur l'environnement ?
Les conséquences de la crise du Covid-19 sur l’environnement se sont manifestées rapidement et dans des proportions impressionnantes.
Le ralentissement industriel et la chute drastique des déplacements en avion et en voiture ont en effet engendré d’importantes réductions des émissions de gaz à effet de serre. A elle seule, l'industrie allemande émet actuellement 10 à 25 millions de tonnes de CO2 de moins qu’en période d’activité normale selon Agora Energiewende.
L’Agence européenne de l’environnement a également constaté une amélioration considérable de la qualité de l’air en Europe, grâce à une réduction des concentrations de dioxyde d’azote (NO2).
Les images de données recueillies par le programme européen d’observation terrestre Copernicus, publiées par l’Agence spatiale européenne (ESA), témoignent bien de cette baisse drastique, en particulier dans plusieurs grandes capitales européennes dont Paris, Madrid et Rome. À Rome par exemple, les concentrations moyennes de NO2 pour les quatre dernières semaines étaient de 26 à 35% inférieures à celles des mêmes semaines en 2019 .
Mais en dépit des effets environnementaux bénéfiques du Covid-19 à court terme, suscités par le ralentissement des activités humaines, le virus pourrait en réalité nuire au Green Deal européen.
Une cadence législative et une mise à l’agenda ralenties
Face à l’urgence de la situation, les institutions européennes concentrent actuellement toutes leurs forces dans la lutte contre le Covid-19, au détriment des autres dossiers européens. Le cabinet du vice-président exécutif de la Commission Frans Timmermans a lui-même reconnu que cette gestion de crise du virus impliquera inéluctablement des retards de mise en oeuvre du Green Deal.
Entre autres, la loi Climat prévoyant l’augmentation de l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2030 à 50/55 % ne devrait pas être adoptée avant juin 2021 (cliquez ici pour consulter notre article sur le sujet). Il était initialement convenu de son entrée en vigueur en fin d’année 2020.
Le nouveau mécanisme de financement des renouvelables ne sera quant à lui pas présenté avant Pâque 2020. De même pour la Stratégie de l’UE pour la biodiversité à l’horizon 2030.
Les risques d’un regain d’émissions
Beaucoup d’acteurs pointent par ailleurs le risque d’un "retour à la normale", voire d’une explosion des émissions de CO2 et de NO2. Tout au plus, 2020 s’illustrerait comme une « année blanche » suivie d’une relance à marche forcée de l’activité économique.
Selon François Gemenne, chercheur et membre du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), « Une série de gouvernements vont chercher à sauver leurs industries par leurs plans de relance, notamment les industries fossiles, qui pâtissent fort de cette crise ».
C’est d’autant plus vrai que le prix du carbone dans le cadre du système d'échange de quotas d'émission de l’UE (ETS) s'est effondré au cours des deux dernières semaines de près de 40%. A son niveau le plus bas depuis deux ans, ce prix du carbone n'incite en rien les acteurs industriels et du transport à se détourner des énergies fortement émettrices
La remise en cause des objectifs climatiques et environnementaux de l’UE
Ces craintes d’une remise en cause du Green Deal au nom de la relance économique ont toutefois été un peu apaisées lors du sommet européen des 25 et 26 mars. A cette occasion, les dirigeants européens ont demandé à la Commission européenne de commencer à préparer "un plan de relance global" intégrant les aspects écologiques et numériques.
Cette annonce a eu pour effet de clore la controverse lancée par le Premier Ministre tchèque M. Babiš qui avait déclaré que « l’Europe devrait oublier le Green Deal maintenant et se concentrer plutôt sur le coronavirus ».
Pour autant, les quelques États-membres frileux vis-à-vis du Green Deal n’en constituent pas les seuls détracteurs. Les acteurs des secteurs de l’industrie et du transport, les plus émetteurs, s’appuient également sur la crise du Covid-19 pour détourner l’UE de ses objectifs climatiques. A titre d’exemple, les compagnies aériennes, fragilisées dans le contexte actuel, plaident pour un allègement durable des taxes environnementales.
La partie semble donc loin d’être gagnée pour les tenants d’un Green Deal européen ambitieux. Le Covid-19 marquera inéluctablement de son empreinte ce projet environnemental et climatique européen, d’envergure inédite et dont la Commission a fait sa priorité.