Lundi 21 mars, le Conseil de l’UE a fait franchir un pas décisif à la construction d’une Europe de la défense avec la signature de la « Boussole stratégique pour la sécurité et la défense, pour une UE qui protège ses citoyens, ses valeurs et ses intérêts et contribue à la paix et à la sécurité internationale » qui dotera l’UE, d’ici à 2030, d’une vision géopolitique et de capacités militaires renforcées.
Vers une défense européenne ?
Les mots de Josep BORELL, Haut-représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, ont montré une prise de conscience de l’UE de sa vulnérabilité en matière de sécurité et de défense : « Les menaces augmentent et le coût de l'inaction est évident. La boussole stratégique guidera notre action. Elle définit une voie ambitieuse pour l'avenir de notre politique de sécurité et de défense pour la prochaine décennie (…) Si nous n'agissons pas maintenant, alors quand le ferons-nous ? »
Fruit d’une réflexion commencée en 2020, la boussole stratégique doit permettre de faire de l’UE, un véritable acteur de la sécurité mondiale et le principal protagoniste de sa défense. Posant les fondations et définissant les priorités de ce qui pourrait bien être la future politique européenne de défense commune, la boussole stratégique porte sur quatre domaines d’action : agir, investir, assurer la sécurité et travailler en partenariat.
Agir : force de déploiement rapide et facilité européenne pour la paix
Annonce majeure, l’Union européenne sera dotée d’ici à 2025 d’une force de déploiement rapide de 5.000 militaires pouvant se déployer et intervenir en cas de crise de sécurité majeure. Cette force sera notamment utilisée pour sauver et secourir des ressortissants Européens pris dans un conflit. Elle sera hautement entraînée et pourra être appuyée par 200 experts européens PSDC prêts à se déployer à leur côté pour apporter un soutien logistique et tactique dans des environnements complexes. La force de déploiement rapide a ainsi vocation à appuyer les missions PSDC civiles et militaires.
L’action sur le terrain sera accompagnée d’une vision stratégique et géopolitique commune au travers de la facilité européenne pour la paix. Ce nouvel instrument financier relevant de la PESC sera doté de 5 milliards d’euros qui seront utilisés pour prévenir les conflits, préserver la paix et renforcer la stabilité et la sécurité internationale. L’UE pourra ainsi fournir une assistance à ses alliés afin de préserver la paix et la sécurité. Jusqu’à ce jour, seules les opérations de soutien de la paix en Afrique conduites par l’Union africaine et ses Etats membres pouvaient bénéficier d’un soutien financier européen. La mobilité des militaires européens sera également accrue ainsi que les exercices conjoints.
Assurer la sécurité : une action centrée sur le renseignement
Le Conseil de l’UE a aussi souhaité mettre l’accent sur l’importance d’anticiper les conflits. Pour cela, le Conseil souhaite renforcer les capacités d’analyse du renseignement. L’UE mettra également en place une boîte à outils hybride et des équipes d'intervention rassemblant différents instruments visant à détecter un large éventail de menaces hybrides et une boîte à outils cyberdiplomatique permettant de réagir efficacement à une cyberattaque. Une autre boite à outil dédiée aux activités de manipulation de l'information et d'ingérence menées depuis l’étranger sera créée.
À ces boites à outils s’ajoutera la constitution d’une véritable politique de l’UE dans le domaine de la cyberdéfense. En surplomb de ces politiques, l’UE devra se doter d’une stratégie spatiale en lien avec la sécurité et la défense afin d’appuyer ses capacités militaires terrestres et de défendre son modèle spatial.
Investir : Donner des moyens à la défense européenne de se construire
C’est l’autre annonce majeure du Conseil de l’UE, les Etats membres se sont engagés à augmenter considérablement leurs dépenses de défense. L’objectif est de renforcer les bases industrielles et technologique de la défense européenne. Ces dépenses seront coordonnées et pensées en coopération entre les Etats membres. Ceux-ci mèneront des investissements conjoints pour développer des moyens stratégiques et des capacités de nouvelle génération pour agir sur terre, sur mer, dans les airs, dans le cyberespace et dans l’espace. Enfin, les Etats membres se sont engagés à stimuler l’innovation technologique dans les domaines de défense notamment dans ceux où elle souffre de lacunes stratégiques.
Travailler en partenariat : construire un réseau d’alliances solides et pérennes
L’UE accentuera ses partenariats avec l’OTAN, les Nations-Unies et les organisations internationales tels que l’Union africaine, l’ASEAN ou l’OSCE. Le Conseil de l’UE a tenu à rappeler que l’OTAN reste le fondement de la défense européenne. Enfin, des partenariats bilatéraux seront mis en place avec le Japon, la Norvège, les États-Unis, le Canada et d’autres Etats alliés. Enfin, des partenariats stratégiques « sur mesure » seront réfléchis avec des Etats des Balkans, d’Afrique et du Proche-Orient, suivant la politique européenne de voisinage.
Pensée depuis 2020, la boussole stratégique doit désormais être adoptée par le Conseil européen des 24 et 25 mars 2022. Si tel est le cas, la défense européenne prendra un tournant, quasi-historique.
Plus d'Information:
Texte du Conseil de l'UE sur la boussole stratégique
Communiqué sur la facilité européenne pour la paix