A quelques semaines des prochaines élections européennes où près de 400 millions d'électeurs vont se déplacer du jeudi 23 mai au dimanche 26 mai 2019 suivant les Etats-membres de l’Union pour désigner leurs représentants au Parlement européen, la Commission européenne s’inquiète de la prolifération des fausses informations sur les réseaux sociaux tout comme du manque de coopération des plateformes en ligne dans la lutte contre la désinformation.
Au regard du rôle clé joué par les réseaux sociaux lors de la dernière élection présidentielle états-unienne (rôle croissant des réseaux sociaux comme source d’information, scandale Cambridge Analytica, soupçon d’ingérence russe…), l’exécutif européen prend très au sérieux le rôle des réseaux sociaux dans la campagne électorale européenne de mai prochain et souhaite réguler les informations publiées sur les plateformes sociales.
La Commission européenne a, dès la fin de l’année 2018, présenté des mesures concrètes pour combattre la désinformation, avec notamment la mise en place d’un code de bonnes conduites signé par les plateformes ainsi que par la mise en oeuvre d'un plan d’action augmentant les ressources allouées à cet enjeu. Ce plan d’action, coordonné par la commissaire pour la justice, les consommateurs et l’égalité des genres, le commissaire pour l’union et la sécurité et la commissaire pour l’économie et les sociétés numériques, met l’accent sur quatre domaines clés.
Tout d’abord, le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) a obtenu le renfort de personnels spécialisés et a vu son budget passer de 1.9 millions d’euros en 2018 à près de 5 millions en 2019. Les Etats-membres ont eux-mêmes été invités à compléter ces mesures à l’échelle nationale.
D’autre part, un système d’alerte a été mis en place entre les 28 Etats-membres et les institutions européennes afin de faciliter le partage d’informations et pour signaler les menaces de désinformation en temps réel.
En outre, les plateformes en ligne ont été chargées de respecter un code de bonnes pratiques et de mettre en œuvre dans les plus brefs délais les engagements pris, dans la perspective du scrutin européen de mai 2019. Ce code de bonne conduite vise, entre autres, à garantir la transparence de la publicité à caractère politique sur les plateformes, à l’intensification de la lutte contre les faux comptes et les interactions non-humaines (messages diffusés automatiquement par des bots), la coopération avec des vérificateurs de faits et à améliorer la visibilité et la diffusion de contenus vérifiés.
Enfin, les Etats-membres et les institutions européennes se sont engagées à organiser des campagnes de sensibilisation et de promotion de l’éducation aux médias.
Néanmoins, les plateformes en ligne ne semblent pas à la hauteur des attentes des institutions européennes. Les commissaires en charge de la justice, Věra Jourová, en charge de la sécurité, Julian King, de l’économie numérique, Mariya Gabriel et du marché unique numérique, Andrus Ansip ont critiqué dans un communiqué commun du 28 février dernier le manque de coopération des plateformes numériques et la mollesse des mesures prises.
Les plateformes ont publié en janvier dernier leurs premiers rapports dans le cadre du code de bonnes pratiques contre la désinformation. Le commissaire Julian King qualifiait alors ces premiers rapports d’« incomplets et opaques ».
En effet, l’exécutif européen ne se satisfait pas des réponses apportées par les plateformes. C’est tout particulièrement le cas pour Facebook et Twitter, notamment sur les questions liées aux publicités politiques payantes. Ces plateformes gratuites rechignent à se réguler elles-mêmes, ne souhaitant pas mettre en péril leur modèle économique, basé sur la vente de contenus publicitaires ciblés.
Face aux défaillances des plateformes en ligne, faut-il mettre en place un cadre réglementaire plus rigoureux ? C’est en tout cas l’avis de Agence européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l'information (ENISA). Cette dernière recommande aux Etats membres d’introduire une législation nationale pour lutter contre la désinformation en ligne qui pourrait interférer dans le processus démocratique de désignation des représentants au Parlement européen en mai prochain. L’agence alerte sur les multiples possibilités d’ingérence liées à l’utilisation généralisée de l’informatique dans le processus électoral : communications internes aux partis, campagnes électorales, registres électoraux, transmission des dépouillements de votes, diffusion des résultats…
L’ENISA recommande aux Etats membres de l’Union européenne de mettre en place une législation nationale à la hauteur des enjeux actuels dans une démarche harmonisée à travers l’Union afin de lutter plus efficacement contre toute ingérence dans le processus électoral. L’agence conseille enfin aux Etats membres de prendre toutes les mesures à même de sécuriser les systèmes informatiques des partis politiques et des administrations liées au processus électoral.
Pour aller plus loin :
Communiqué de presse de l’ENISA (en anglais)