« Le grand puzzle : qui ramassera les morceaux ? ». Tel était le thème de la Conférence sur la sécurité de Munich qui se tenait du 15 au 17 février 2019. Pourtant, à l’issue de cet incontournable forum en matière de défense et de sécurité, le « puzzle » apparaît toujours éclaté.
D’abord la question du multilatéralisme : le secrétaire général de l’OTAN a souligné la nécessité d’avoir « des accords multilatéraux solides », ainsi qu’une défense et une coopération transatlantique fortes. A. Merkel semble aussi de cet avis, se réjouissant de la phrase prononcée par un sénateur républicain de Caroline du Sud soulignant que « le multilatéralisme, c’est compliqué, mais toujours plus simple que d’agir seul ». Si la nécessité de coopérer a été affirmée et réaffirmée, la réalité des intérêts de chacun a rapidement repris le dessus, soulignant un peu plus les divergences actuelles et mettant en exergue la situation critique dans laquelle se trouve le multilatéralisme aujourd’hui.
L’importance de la coopération transatlantique a été rappelée à maintes reprises. Que ce soit de la part de J.Y Le Drian ou de son homologue polonais, la nécessité de créer des fortes capacités de défense européenne au sein de l’Alliance Atlantique a été mise en avant. Et F. Mogherini, de compléter que, « l’autonomie stratégique » et la coopération transatlantique sont les « deux faces d’une même pièce (de monnaie) ». La ministre allemande de la défense a elle, plaidé pour plus d’investissement budgétaire dans l’OTAN de la part des européens. Mais la « rupture transatlantique » relayée dans la presse au sortir de ce sommet, vient surtout de la joute à laquelle se sont livrés A. Merkel et M. Pence. La chancelière, abandonnant sa modération, s’est adressée à son auditoire de manière franche. Rappelant d’abord que l’Allemagne contribue à l’OTAN et soulignant la hausse des dépenses en matière de défense de son pays. Mais aussi, fustigeant les récentes déclarations américaines selon lesquelles les voitures allemandes et européennes constitueraient une menace pour la sécurité nationale des Etats-Unis. Elle se plaît ainsi a rappelé la fierté dont peuvent faire preuve les allemands concernant leurs voitures mais surtout, elle insiste sur le fait que la plus grande usine BMW au monde se trouve en Caroline du Sud et non en Allemagne. M. Pence, quant à lui, a annoncé que nombreux membres de l’OTAN doivent y participer davantage ou encore, que la sécurité à l’Ouest ne peut pas être assurée si ces membres dépendent de l’Est. Cette dernière phrase en référence au projet de gazoduc Nord Stream 2, qui permettrait à l’Allemagne de bénéficier du gaz russe qui serait acheminé par la mer Baltique. Mais ce que l’on retiendra de l’intervention de M. Pence, c’est la promotion de l’unilatéralisme américain, de l’« Amérique d’abord » : entre refus des accords internationaux et l’injonction faite par l’Amérique aux européens de suivre les positions américaines - même si cela implique pour ces derniers de sortir de l’accord sur le nucléaire iranien. Malgré ces oppositions, l’OTAN attire toujours, en témoignent le souhait de l’Ukraine et surtout de la Géorgie de rejoindre l’Alliance.
Epineux sujet mais plus que jamais dans l’actualité, la question du Brexit a également été abordée. Un partenariat en matière de sécurité semble être souhaité des deux côtés de la Manche. J.C Juncker a ainsi déclaré : « je crois fermement que nous continuons d’avoir besoin de cette passerelle, de cette alliance en matière de sécurité entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. » A l’instar de l’annonce de J.C. Juncker, les déclarations de la ministre de la défense allemande et celles de son homologue britannique prônent un renforcement de leur partenariat militaire, bien que l’OTAN reste « le premier choix pour notre sécurité » (celle de l’Allemagne). La ministre allemande de la défense a également souligné que l’UE a fait « son chemin vers une Union européenne de Défense », qui comprenait le renforcement de l’OTAN. Le ministre des affaires étrangères allemandes a lui aussi fait explicitement référence au Royaume-Uni s’agissant du futur de la sécurité européenne, incluant le pays parmi les partenaires européens. Cependant, J.C. Juncker a souligné que la coopération en matière de sécurité entre l’UE et le Royaume-Uni ne devrait pas être mise dans « le même sac » que « les considérations commerciales ».
Par ailleurs, sujet attendu et abordé, celui de la dissuasion nucléaire et de la maitrise de l’armement. La Chine s’affirmant contre « la multilatéralisation du traité FNI », c’est-à-dire du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire, a sans surprise rejeté la proposition de la chancelière allemande proposant de rejoindre ce traité. Traité qui doit-on le rappeler, a été remis en question par les Etats-Unis et la Russie qui ont suspendu récemment son application. De ce fait, le secrétaire général de l’OTAN J.Stoltenberg a insisté sur l’importance de dialoguer avec Moscou.
Finalement, si un panel était pour partie consacré au climat (« Climate Change and Security: Too Hot to Handle? ») , que F. Mogherini ou A. Merkel y ont fait quelques références dans leur discours respectif, il semble avoir été le grand absent de cette conférence alors que selon J.Kerry, cela aurait dû être « le premier panel à être discuté cette année ».